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Atomic guitars : ear-radiation

L’artiste Japonais Fuyuki Yamakawa, connu pour ses performances sonores et ses travaux basés sur les vibrations, fait vibrer des guitares au rythme des radiations.

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L’installation avec les détecteurs de radiation Geiger au-dessus des guitares Stratocaster jaunes, et les échantillons de sol contaminé.

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En 2011, quelques mois après l’accident nucléaire de Fukushima, l’artiste japonais Fuyuki Yamakawa mettait en musique les radiations nucléaires et la contamination des sols suite à l’explosion de la centrale.


Cette exposition fait suite à ses précédentes œuvres, dans lesquelles le musicien accorde une place prépondérante à la vibration. Affecté par le mutisme de son père suite à un cancer de la gorge, Fuyuki Yamakawa développa très tôt un intérêt pour les sonorités gutturales, à l’instar des chants Khoomei du peuple Tuva. Il s’inspira de cette technique basée sur les vibrations de la gorge dans une œuvre intitulée D.D.D., dans laquelle il associait vibration, rythme cardiaque et espérance de vie. L’articulation entre le son, vibration et la vie est également au cœur de ce projet.


Son installation, appelée Atomic Guitars, en référence à l’atome d’uranium à l’origine de la réaction nucléaire, présente un système sonore automatique qui produit de la musique par radioactivité. Une manière de représenter la pollution la plus durable de notre environnement par les sons. L’installation repose sur un échantillon de sol contaminé par radiation, prélevé le 5 juillet 2011 à l’Université Nationale des Arts de Tokyo, à 200 km de la centrale de Fukushima. A chaque fois que l’appareil de mesure des radiations ionisantes (le compteur Geiger) détecte un signal radioactif dans l’échantillon auquel il est relié, il le transmet aux guitares, dont la vibration des cordes produit du son.


Installation épurée et technique, cette performance illustre à la fois le vide après la catastrophe, et le haut degré de technicité de la réaction nucléaire. Deux guitares, deux amplis, deux compteurs, tous les appareils scientifiques et audio se font face en miroir, comme si la technique se regardait elle-même et prenait conscience de son autonomie, devant un fantôme en combinaison anti-radiations, humain immobile, incapable de contrôler sa propre technologie. D’une certaine manière, cette œuvre rappelle les dangers de la technologie nucléaire que l’homme a cru maîtriser, et les conséquences environnementales de la catastrophe. Grâce à cette installation, les guitares rendent audibles la contamination des sols. Leur son froid, électrique, claque dans l’air avec beaucoup de réverbération, comme pour évoquer l’espace infini dans lequel se diffusent les radiations. Comme le rappelle l’artiste, ces guitares créent « un son très douloureux, mais c’est une expression de la réalité de nos vies ».


Toutefois, cette œuvre avant tout musicale se présente aussi comme une cure contre la radiation, comme si la musique pouvait soigner les plaies ouvertes d’une terre empoisonnée et stopper l’irradiation. Tout le processus technique qui part de la terre et aboutit au son se présente également comme une guérison, un cheminement médical vertueux. Ainsi, l’œuvre ne saurait être fataliste, se situant à cheval entre critique d’un poison nucléaire et son remède musical, contenant en ce sens toute l’ambiguïté du Pharmakon grec. C’est ce que l’artiste précise (en anglais) : « I believe the piece contains such hopeless kind of hope ».


Malo Drouet

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