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Canicules et sécheresse : le vignoble français en péril

  • Etudiant
  • 9 févr. 2021
  • 5 min de lecture

Dernière mise à jour : 10 févr. 2021


Un vignoble - Pixabay



Le vignoble français en quelques chiffres


Comme les Français aiment à l'entendre et à le rappeler pendant leurs voyages à l'étranger, le vin français est considéré comme le meilleur du monde. Officiellement reconnus « patrimoine culturel, gastronomique et paysager de France » par la loi d'avenir pour l'agriculture (2014), le vin et les terroirs viticoles français font la fierté du pays.


On estime que la filière viticole fait travailler 560.000 personnes en France, en incluant les emplois indirects. Répartie sur l'ensemble du territoire, la viticulture reste un secteur économique très dynamique, comme l'illustre cette affiche du Ministère de l'Agriculture :


Quelques chiffres sur la filière viticole en France

Source : Ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation (07/2018), « Infographie – La viticulture », https://agriculture.gouv.fr/infographie-la-viticulture


Les vignes, le soleil et la chaleur : alliés ou ennemis ?



Depuis toujours, le soleil et la chaleur ont bénéficié aux vignobles. Activant la photosynthèse, le soleil permet aux vignes de croître et de se fortifier année après année, pour produire de belles grappes. C'est encore le soleil qui développe et mature les arômes du raisin, tout en augmentant son taux de sucre, ce qui détermine ensuite la teneur en alcool du vin. Traditionnellement, les vignerons voient d'un bon œil les épisodes de forte chaleur en fin de printemps ou en début d'été. En effet, ils permettent d'éradiquer certains parasites, comme la drosophile, et de réduire le risque de certaines maladies de la vigne, comme le mildiou.

Source : Bourgogne Aujourd'hui (01/08/2019), https://www.bourgogneaujourdhui.com/fr/actualites/un-coup-de-chaud-et-de-la-grillure-_928.4.htm
Grappe de raisins brûlée

Pourtant, depuis quelques années, la filière viticole prend conscience que l'excès de chaleur et de soleil peut aussi se révéler extrêmement néfaste pour les vignobles. En effet, les canicules intenses et les sécheresses répétées, que notre pays connaît désormais chaque été, viennent bloquer la maturation des raisins, les assèchent, voire même carbonisent des pieds de vigne entiers.



Cela s'est notamment produit en juin 2019. A cette période, la France est écrasée par une chaleur étouffante, à laquelle s'ajoute un sécheresse intense, qui dure depuis plusieurs semaines. Entre le 28 et le 29 juin, alors que plusieurs départements du Sud (Gard, Hérault, Bouches-du-Rhône, Vaucluse) sont placés en alerte rouge canicule par Météo France, de nombreux viticulteurs retrouvent leurs vignes soudainement carbonisées, avec des raisins flétris, des feuilles séchées et des pieds grillés.


Les pertes sont énormes. Dans l'Hérault, 58 % des exploitants déclarent un impact fort à très fort sur leur récolte. Des centaines d'exploitations sont touchées, principalement dans le Sud, mais aussi, dans une moindre mesure, en Bourgogne, en Alsace… Les vignerons sont abasourdis. Beaucoup déclarent dans la presse n'avoir « jamais vu ça ». Dans ce reportage de France3 Occitanie, un viticulteur affirme :

« Si on m'avait dit hier après-midi que la vigne allait être touchée par la canicule […], allait sur certains endroits être brûlée au chalumeau, j'aurais dit n'importe quoi, vous n'y connaissez rien, la vigne résiste ».

Source : France3 Occitanie (29/06/2019), « Hérault : Coup de chaud dans les vignes après la canicule », https://www.youtube.com/watch?v=RKU1Z0dwF1c



Cet épisode nous montre que les canicules et sécheresses peuvent avoir de graves conséquences sur les vignes françaises, tant d'un point de vue économique, social, territorial que culturel. Et dans un contexte de réchauffement climatique, ces aléas sont amenés à se renforcer, et les récoltes à être impactées de manière systématique.



Une adaptation difficile mais nécessaire


Pour faire face à ce risque, le vignoble français va devoir s'adapter. En effet, les terroirs, qui dépendent notamment de la composition des sols, ne peuvent pas être déplacés. Or, les vignobles sont historiquement implantés dans les régions les plus chaudes et ensoleillées de France, qui subissent de plein fouet les conséquences du réchauffement climatique.


Ainsi, la filière est déjà rentrée dans une dynamique d'adaptation, avec un changement de pratiques et la mise en place de stratégies de protection :


  • supprimer l'effeuillage (ne plus couper les feuilles), afin de créer un parasol naturel au-dessus des grappes et retenir l'humidité.

  • laisser les filets anti-grêle autour des pieds en été, pour les protéger du soleil ardent.

  • surélever les vignes, car la chaleur s'intensifie lorsque l'on se rapproche du sol (en moyenne 2 à 3°C supplémentaires).

  • revenir à la pratique ancestrale de la « culture associée » (cultiver plusieurs espèces sur une même parcelle) : planter des arbres fruitiers entre les rangées de vignes pour leur faire de l'ombre.

  • enherber les inter-rangs pour retenir l'humidité sur la parcelle, mais désherber les rangs pour éviter la concurrence avec la vigne pour l'accès à l'eau.

  • sectionner les racines superficielles des pieds de vignes, pour les forcer à aller puiser leur eau plus profondément dans le sol (principe utilisé en biodynamie).

  • privilégier les cépages moins sensibles à la sécheresse.


Filets anti-grêle autour des vignes - Adobe Stock


L'agrivoltaïsme, une solution d'avenir


Une autre solution, plus technologique, voit également le jour : l'agrivoltaïsme. Il s'agit d'installer des panneaux solaires photovoltaïques au-dessus des cultures, assez haut pour que les tracteurs puissent continuer de passer en-dessous. Ces panneaux pivotent le long d'un axe horizontal, pour s'adapter aux besoins des vignes. A la verticale, ils laissent passer la lumière et la pluie ; à l'horizontale, ils protègent les cultures du soleil, de la chaleur, mais aussi des fortes pluies, de la grêle et du gel.


Panneaux solaires au-dessus des vignes à Piolenc (Vaucluse)


De cette manière, les viticulteurs peuvent à la fois protéger leurs vignes et produire de l'électricité renouvelable, sans avoir besoin de libérer de parcelle pour installer les panneaux solaires. L'autre avantage de l'agrivoltaïsme est qu'il garantit l'autonomie énergétique des exploitations. Il offre également une source de revenus supplémentaire aux viticulteurs, qui revendent l'électricité aux fournisseurs. Le coût de ce genre d'installation étant néanmoins très élevé, il faut attendre quelques années pour le rentabiliser.


Cette technique est expérimentée par une cinquantaine d'exploitations en France, où elle montre déjà son efficacité contre les canicules.


Les limites et les risques de l'agrivoltaïsme


La toute première limite de cette technologie concerne son aspect visuel. En effet, les panneaux solaires et la structure métallique qui les soutient modifient profondément le paysage viticole, ce qui peut susciter des oppositions.


Le coût de l'installation peut aussi être un frein au développement de l'agrivoltaïsme. Au lourd investissement de départ viennent s'ajouter des coûts de maintenance, qu'il ne faut pas négliger. Néanmoins, une fois le dispositif rentabilisé, il constitue une source de revenus non-négligeable pour l'exploitant.


Enfin, d'un point de vue technique, la structure ne peut pas être installée sur des vignes existantes (car les poteaux doivent être intercalés entre les pieds), ni sur des coteaux. Il existe également un risque, minime, que la structure chute et écrase les vignes en cas de forte tempête. Pour contrer ce risque, il serait bon d'envisager un dispositif permettant de descendre les panneaux au niveau du sol, afin de limiter la prise au vent.


Comment favoriser le développement de cette solution à grande échelle ?


1) Réviser les cahiers des charges des Appellations d'Origine Contrôlée (AOC), afin qu'ils autorisent les cultures sous panneaux solaires.


2) Informer et sensibiliser l'ensemble des acteurs de la filière viticole aux dangers du réchauffement climatique pour les vignobles, ainsi qu'à la nécessité d'adapter les pratiques. En parallèle, développer des dispositifs incitatifs d'aide et de subvention - étatiques, régionaux, et pourquoi pas européens -, à destination des viticulteurs choisissant d'investir dans l'agrivoltaïsme.


3) Combiner cette technologie à d'autres stratégies, comme l'enherbement des inter-rangs pour protéger les sols et retenir l'humidité.




Par Emma AVRIL



Sources






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