top of page

Risque d'inondation en Colombie, pourquoi ne pas vivre en flottant ?

Dernière mise à jour : 16 avr. 2021


Le risque :


La Colombie est un pays aux territoires très variés et aux climats parfois extrêmes. C’est le cas de la région de la Dépression Momposina qui, comme son nom l’indique, est particulièrement vulnérable aux inondations. Située au Nord-Ouest du pays, cette

a été l’une des plus touchées par les manifestations climatiques inattendues et de plus en plus fréquentes. Ces changements dus au réchauffement climatique mettent à mal le mode de vie particulier et les pratiques sociales de ces communautés.


Les facteurs de vulnérabilité :


Ce territoire fonctionne alors comme un élément régulateur des crues hydriques et contribue en même temps à la formation et au maintien de grands marécages, qui abritent une diversité de flore et de faune très riche. De telles conditions ont permis aux communautés de la région de développer des pratiques sociales et des modes de vie particuliers, caractérisés par ce que le sociologue et professeur Orlando Fals Borda a appelé dans les années soixante-dix la « culture amphibie ». Les habitants de la Dépression Momposina sont en effet habitués aux crues périodiques du fleuve. Ils font en sorte que les terrains inondables leur apportent des ressources en matière notamment de pêche et d’élevage de bétail selon l’époque de l’année. Ce mode de vie particulier a été caractérisé par ce que le sociologue et professeur Orlando Fals Borda a appelé dans les années soixante-dix la “culture amphibie”.


A ces premiers facteurs de vulnérabilité s’ajoute le fait que bien qu’il y est une forte concentration humaine cette région est relativement isolée du reste du territoire colombien. Elle a en effet montré de nombreuse fois une vulnérabilité manifeste vis à vis des besoins de base. Cependant ce territoire faisant partie de l’identité profonde de ces populations, elles n’ont jamais décidé d’émigrer malgré les désastres et le climat changeant. De plus, une émigration ne ferait qu’augmenter la vulnérabilité des bidonvilles situés sur le pourtour des grands pôles urbains colombiens. Ainsi cette solution ne ferait que déplacer le problème en créant de nouveaux problèmes.


L’innovation :


La ville de Medellin, la ville la plus importante du pays après la capitale, concentre des institutions d’enseignement supérieur de grandes qualités. C’est le cas de l’Université EAFIT, où un groupe d’étudiants en Ingénierie a conçu un modèle de logement flottant pouvant répondre aux problématiques évoquées précédemment.

On peut alors penser aux fameuses “maisons-bateaux” qui ont déjà vu le jour aux Pays-Bas. Mais les maisons flottantes pensées par les étudiants colombiens ont la particularité de pouvoir s'adapter grâce leur stratégie architecturale à l’augmentation du niveau des fleuves et des lacs qui n’ont rien à voir avec le contexte géographique hollandais. De plus, il ne s’agit pas ici de promouvoir un mode de vie attractif voire luxueux. Ce sont en effet des logements d’intérêt social et peu coûteux. En outre, les maisons flottantes colombiennes ont été pensées pour répondre à l’urgence des nombreux enjeux de demain. Ces unités de logement sont présentées comme une solution respectueuse de l’environnement et adaptée aux besoins socio-économiques de la région.



Parties prenantes :

Comme évoqué précédemment, l’idée originale du projet vient d’un groupe d'étudiants de l’université EAFIT de Medellin. Pour se faire accompagner dans la partie conception, ces étudiants ont développé un partenariat avec l’entreprise Utopica SAS.

Il est aussi important de noter que cette réalisation s’inscrit dans le cadre du projet « Villes colombiennes et changement climatique », qui fait l’objet d’un travail conjoint avec l’Agence Française de Développement, Fedesarrollo([Fédération pour le Développement) et la Fundación Ciudad Humana (Fondation Ville Humaine), l’Institut de Recherche et Débat sur la Gouvernance (IRG).



Les 3 étapes :


1 - L’idée d’origine


Le premier modèle d’unité d’habitation qui a été développé en 2011 par Lina Cataño et Andrés Walker, à l’époque étudiants en Ingénierie et en Design de produit à l’Université EAFIT de Medellin, était une maison préfabriquée de six tonnes pouvant abriter une famille de cinq à six personnes. L’étudiant avait alors pensé à un système de récupération des eaux de pluie, des toilettes sèches, et une plateforme reposant sur plus de 600 bouteilles vides en plastique qui permettaient à la maison de flotter. En récupérant les bouteilles en plastiques, le projet s'inscrit dans une démarche de résilience et cherche à répondre à plusieurs problématiques différentes.


2 - Les problèmes


Le principal obstacle était alors le processus de collecte et de transport des emballages. De fait, seuls certains plastiques possèdent les propriétés nécessaires à la construction d’infrastructures durables. Or les grandes entreprises productrices de ce type de plastique recyclent déjà une grosse partie des emballages vides qu’elle produit. Ainsi, la possibilité pour les étudiants d’en collecter la quantité nécessaire pour construire les plateformes flottantes d’un bon nombre de maisons était mise à mal.


3 - Adaptation :


Les étudiants ont donc dû réfléchir à modifier la conception des matériaux de la plateforme flottante. Le modèle qui est actuellement en place sur le territoire inclut en effet un pilotis et une structure spéciale dans un des angles de la maison, qui permettent le mouvement vertical mais non horizontal de cette structure.

Il a fallu aussi repenser la maison en tenant compte de l’inconstance des inondations du territoire. Il faut aussi prévoir les périodes de non vulnérabilité, c'est-à-dire les périodes où il ne pleut pas sur une longue durée. Pour répondre à ce problème, il a été ajouté un élément de fondation dans le sol qui supporte la maison en situation de non-inondation, de manière à donner plus de stabilité et de confort aux habitants. Enfin, au lieu d’une plateforme faite avec des bouteilles recyclées, le nouveau prototype de maison flottante utilise du ciment enrichi, un matériau qui pourrait certes remettre en question l’utilité du matériau écologique qui était proposé au début avec l’idée de recycler les emballages en plastique. La construction est donc moins écologique. Mais ce point négatif est compensé par le fait que ce changement permet à la maison d’être beaucoup plus durable. Or, il est normal dans la culture colombienne de conserver sa maison et qu’y résident les différentes générations de la famille.


Les derniers blocages :


Pour le moment, seule une école flottante a pu être réellement implantée sur le territoire. De fait, le statut juridique de ces maisons flottantes étant encore flou, il est pour le moment impossible de les installer. Les porteurs de projet sont actuellement à la recherche de partenariat qui permettrait de les accompagner dans la reconnaissance juridique de leurs logements.

Ainsi nous pouvons ici constater que la nature innovante de cette solution est aussi malheureusement un frein à la finalisation du projet.

Corentin Giancone--Ramsamy

bottom of page