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Comment le confinement a-t-il exacerbé les violences domestiques ?

  • Etudiant
  • 13 avr. 2020
  • 7 min de lecture

Dernière mise à jour : 17 avr. 2020



Analyse ante-Covid-19: un état des lieux des violences domestiques


Une visibilité tardive des violences intra-familiales


Avant la crise sanitaire du Covid-19, les violences domestiques subies par les femmes et les enfants ont été mises en lumière par des associations de défense des droits de la femme tels que « Nous toutes » à partir de 2015. Ces actions de collectifs ont donné une visibilité politique à des phénomènes considérés auparavant comme privés. La prise de conscience sociale et politique ne peut se faire que par un éclairage théorique.


Définitions des violences domestiques qui peuvent engendrer des féminicides


La violence domestique se définit comme une violence conjugale, c'est-à-dire comme une forme de maltraitance au sein des couples mariés, en union libre, pacsés mais aussi séparés et divorcés. Ces violences peuvent être psychologiques, physiques, sexuelles ou économiques. Les violences domestiques se manifestent par la volonté d'exercer un pouvoir sur son conjoint dans une relation intime. En France, environ 220 000 femmes sont victimes de violence domestiques. En effet, les femmes sont les principales victimes des violences conjugales, c'est pourquoi nous allons nous concentrer sur les violences faites aux femmes et aux personnes mineures. Néanmoins, un homme peut aussi subir des violences domestiques.


Les conséquences des violences domestiques peuvent être dramatiques, et entraîner la mort. En France, la moyenne d'âge des femmes décédées sous les coups de leurs maris ou ex-conjoints est de 44 ans, d'après l’Observatoire national de la délinquance. Pour nommer ce phénomène, la notion de féminicide est élaborée en 1980 Jill Radford et Diana Russell. Le féminicide est le meurtre perpétré sur une femme ou une fille en raison de son genre et de son sexe. Le féminicide n'est pas un simple fait divers, mais c'est un fait social. En effet, en France entre 129 et 149 femmes seraient mortes sous les coups de leurs conjoints ou ex-compagnons en 2019, ce chiffre reste élevé malgré une diminution de 11% des féminicides entre et 2015 et 2018.


Analyse des violences faites aux enfants


Les femmes, mais aussi les enfants sont concernés par les violences dans les foyers. En France en 2018, parmi les 15% de victimes de moins de 15 ans, 71% avaient moins de 4 ans. Selon la Mission sur les morts violentes d'enfants, les parents seraient « très majoritairement à l'origine des faits ». En outre, chaque jour en France, 200 enfants sont victimes de violences, dont 50 sont victimes de violences sexuelles. Néanmoins, en 2020, le collectif « Nous toutes » a lancé une campagne d'information avec le hashtag « entendons leurs cris » pour informer et sensibiliser. Le gouvernement a, parallèlement, mis en place des numéros d'appel d'urgence pour les enfants en dangers. Ce type de dispositif est aussi utilisé pour la lutte contre les violences subies par les femmes.





L'action des gouvernements pour lutter contre les violences domestiques entre 2010 et 2020


-Les pouvoirs publics ont dès 2010 mis en place l'Ordonnance de protection qui permet aux femmes d'être éloignées de leurs conjoints.

-En 2011, le Conseil de l'Europe a dénoncé les violences à l'égard des femmes comme une «violation des droits humains ».

-Un numéro d’appel d’urgence « 3919 », ainsi que 327 lieux d'écoutes de proximités, et 1550 places en hébergement ont été créés.

-En parallèle, les consciences sont de mieux en mieux éduquées, les faits mieux connus et la tolérance sociale à l’encontre de ces violences diminue.

-En 2019, le Grenelle des violences conjugales a donné une visibilité et une reconnaissance au phénomène trop longtemps rendu invisibilisé. Malgré tout, les mesures proposées n'ont pas permis d'aider efficacement les victimes selon les associations.

-La justice aussi cherche à protéger les femmes avec la loi « Égalité et citoyenneté » de 2017, qui considère un crime ou délit perpétré sur une personne en raison de son sexe comme une circonstance aggravante. Cependant, selon la Commission nationale consultative des droits de l'Homme, les effets sont peu concrets et seulement 19% des victimes de violences conjugales portent plainte.


Cependant, l'arrivé du Covid-19 a fait basculer les destins des personnes victimes de violences domestiques.



Le Covid-19, une crise sanitaire et avant tout sociale ?


Depuis le mois de novembre 2019, une épidémie, devenue pandémie a été découverte en Chine. Le virus s'est propagé dans 200 pays et 50% des habitants du monde sont confinés. Le Covid-19 est a engendré une crise sanitaire. L'équilibre social a été rompue et le système économique et politique ont été bouleversés. En ce sens, une crise a besoin d'une prise en charge particulière et exceptionnelle. Cette notion de crise, en tant que facteur de rupture sociale qui nécessite une prise en charge particulière peut être définie pour définir les violences domestiques comme une crise sociale.


En effet, la visibilité donnée par les associations permet de prendre conscience que cette faille endémique de notre société a besoin d'une gestion exceptionnelle et adaptée. Les violences commises dans un foyer influencent toute la société et la fragilise. C'est donc une crise, certes ancienne, mais systémique dont la prise de conscience a fait émerger la notion d'urgence. Ainsi, la crise sociale liée aux violences domestiques s'ajoute et se renforce avec à la crise sanitaire.




Les conséquences du confinement pour les personnes les plus vulnérables face aux violences domestiques


Le foyer : un espace de danger pendant le confinement


Le foyer était considéré, avant le confinement, comme le lieu le plus menaçant pour les femmes victimes de violences conjugales. En effet, 74% des femmes ont été tuées à leur domicile. Ainsi, lorsque le confinement a débuté le 17 mars 2020, cette mesure a exposé les victimes à ces violences. En Italie, Lorena Quarenta, infirmière assassinée par son mari qui la soupçonnait de lui avoir transmis le Covid-19, incarne cette augmentation des féminicides dans le monde.


Marlène Schiappa a annoncé une augmentation de 32% de signalements de violences conjugales depuis le 17 mars. L'augmentation des violences est un phénomène mondial, comme l'a souligné le Secrétaire général de l'ONU.


Les dispositifs mis en place pour lutter contre les violences intra-familiales pendant le confinement


-Le système judiciaire est encouragé à poursuivre les personnes violentes.

-Des alertes d’urgences dans les pharmacies et magasins d'alimentation ont été mises en place. Les pharmaciens peuvent dès lors recueillir les éléments et prévenir la gendarmerie ou communiquer des services d'accompagnement pour femmes et enfants en danger.

-Un système de SMS au 114 a été mis en place par la police afin que les femmes puissent envoyer un message discrètement.

-Enfin, un numéro vert a été mis en place pour écouter les auteurs de violences au 08 019 019 11 en raison du climat exceptionnellement angoissant du confinement, notamment à cause de l'inactivité et de la promiscuité.


Cependant, ces dispositifs ont des limites


-Le système d'alerte est perturbé.

-Il est plus difficile aux femmes d'appeler les aides sociales car elles sont sous surveillance permanente. Les victimes de violences sont paralysées face à la peur.

-L’accueil des pharmacies est temporaire, et les pharmaciens ne sont pas nécessairement formés.

-Il est difficile pour une femme de partir de chez elle dans ce contexte de crise sanitaire où les espaces d'accueils et la police sont submergés.

-Dans le domaine judiciaire, une personne victime devra attendre la fin du confinement pour mener des actions en justice ou un divorce.

-De plus, la baisse d'appels aux numéros prévus ne reflète pas une baisse des violences. Bien au contraire. Notamment, le numéro d'appel 119 réservé aux alertes concernant les enfants est déserté depuis le 17 mars. Ce silence est alarmant car il montre que les enfants n'ont plus d’échappatoire. Donc, ce numéros d'urgence est insuffisant face au confinement.


Ainsi, la crise sanitaire et le confinement ont mis en exergue les violences intra-familiales. Comment une crise sanitaire peut-elle permettre une prise de conscience sociale et étatique de l'urgence et de l'importance du phénomène de violences domestiques en France ? Nous avons observé que la crise pouvait mettre en lumières les violences d'une société, en ce sens, la crise peut être un tournant pour améliorer la situation.




Les scenarios prospectifs


Hypothèses 2020


Soit la violence reste invisible et il n'y a pas de sensibilisation faite à grande envergure par les associations, les médias et l’État. Néanmoins, cette hypothèse semble peu probable face à la montée en puissance des réseaux sociaux. Les médias donnent une visibilité aux féminicides et plus généralement aux violences domestiques. De plus, les acteurs politiques sont d'avantage touchés et sensibilisés. Il semblerait donc que la montée en puissance des voies féministes dans la place publique fasse pression sur le gouvernement pour protéger toute personne victime de violence intra-familiale.


Objectif en 2050


L'objectif est qu'en 2050 il y ait une chute drastique des violences. Un tel objectif ne sera atteint seulement s’il est mené de concert contre un sexisme systémique et endémique. L'horizon de 2050 vise donc une société égalitaire, basée sur la protection sociale et la tolérance zéro face aux violences.Pour atteindre l'égalité des genres, il faut dès 2030 une réorganisation des services sociaux. Autrement dit :

-La création de maisons d'accueil discrètes pour hommes, femmes et enfants victimes de violences intra-familiales ou sociales.

-La généralisation et l'utilisation des ordonnances de protection.

-Une digitalisation des mesures de protection avec des applications ou des bracelets électroniques pour les accusés.

-Un accès à des formations pour les aider les victimes se réinsérer dans le monde du travail.

-Pour les femmes ou hommes âgées victimes de violences conjugales, ils et elles pourront avoir accès gratuitement à des places en EHPAD.


Étapes en 2040


En 2040, l'objectif est institutionnel. En premier lieu, le milieu de la recherche doit être encouragé dans la lutte contre les violences et des observatoires doivent être chargés de suivre les victimes et d'analyser la situation afin de coordonner les acteurs sanitaires, sociaux et judiciaires. En second lieu, le domaine de la justice doit être réformé. D'une part, un service judiciaire permettrait d'aider les femmes à mener des actions en justice. Mais la justice et les professionnels ont besoin d'être formés pour bien réagir face à ces situations. Nous pouvons aussi envisager une modification de Code pénal tout en créant des tribunaux spéciaux.


Étapes en 2045


Puis, en 2045, la prise de conscience pour tous devrait être acquise. En effet, entre 2020 et 2024, nous pouvons envisager un travail de sensibilisation à grande échelle pour faire prendre conscience du phénomène. Dans un premier temps, la formation des personnels de santé et de sécurité est nécessaire. Puis dans un second temps, toute la population peut être informée des comportements à adopter en cas d'urgence. Nous pouvons aussi imaginer, comme en Espagne, une sensibilisation à l'école avec un changement profond mais durable des mentalités et des programmes scolaires afin d'insister sur l'égalité des genres et la résolution pacifique des conflits.


Ainsi, les violences intra-familiales sont des dangers qui s'accumulent et s'accentuent avec les crises sanitaires ou climatiques. Une réduction des violences systémiques permettra une meilleure résilience et pacification sociale face aux nouveaux enjeux du dérèglement climatique.


Éléonore CADEAU



2 Comments


Louise Lp
Louise Lp
May 01, 2020

Merci Eléonore pour cet article très pertinent! Je voulais simplement te demander si tu savais la raison pour laquelle il y a eu une diminution de 11% des féminicides entre 2015 et 2018 ?

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Jonathan
Jonathan
Apr 19, 2020

Merci pour cet article qui éclaire un sujet qui n'est souvent que trop peu traité par les médias depuis le début de la crise. Ce sont en réalité des victimes collatérales non comptabilisés dans les rapports quotidiens énoncés par le Ministère.


Comme tu le proposes, changer la loi peut représenter une solution dissuasive pour les personnes violentes avec leur conjoint-e, enfant(s) afin que la société se porte garante de la protection de ces derniers. Aurais-tu des informations / statistiques sur le rapport homme/femme; adulte/enfant dévoilant les conséquences cachées du confinement?

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