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Covid-19 : vers la société du "tout numérique" ?

  • Etudiant
  • 24 avr. 2020
  • 6 min de lecture

Dernière mise à jour : 11 févr. 2021


Depuis les années 1980, notre monde devient de plus en plus numérique. Son usage est entré dans le quotidien de chacun d’entre nous. Et aujourd’hui, beaucoup imagine un futur avec des technologies de pointe omniprésentes dont nous serions devenus dépendants pour (presque) tout faire. Il y a beaucoup d’attentes et de rêves quant aux possibilités que le numérique a à offrir.

Si on considère l’ère numérique comme une période où tout est digital et dématérialisé, la transition numérique a encore du chemin à parcourir. Les réticences sont nombreuses notamment concernant nos modèles de travail et d’éducation. En 2018, selon une étude de l’IFOP, en France 29% des actifs faisaient du télétravail occasionnellement (moyenne de 7 jours par mois). Quant à l’usage du numérique à l’école il fait toujours débat mais on voit de plus en plus de tablettes ou d’ordinateurs investir les salles de classe.



La crise du Covid-19 semble forcer l'entrée dans l’ère du tout numérique.

Ce qui semblait pour beaucoup inimaginable s’est produit : tous les écoliers et étudiants étudient de chez eux grâce au numérique. Et ce sont maintenant, selon une étude Odoxa, 20% des actifs qui télétravaillent quotidiennement. Quant aux achats, les drives sont de plus en plus sollicités, les consultations médicales en ligne sont aussi plus fréquentes. Ce sont aussi nos loisirs qui passent par l’usage du numérique. On se divertit en regardant la télé, en passant du temps sur les écrans, en regardant des films ou séries sur les plateformes de streaming vidéo. On passe du temps sur les réseaux sociaux, à jouer aux jeux vidéos. Des choses que l’on faisait déjà avant mais pour lesquelles on passe encore plus de temps car on ne peut plus sortir pour se divertir. Certes, on peut toujours assister à des concerts, mais depuis son salon. On peut encore visiter des musées mais en réalité virtuelle. Pour faire du sport, toutes les ressources pour s'entraîner peuvent se trouver en ligne. Et finalement on peut même "voyager", les destinations touristiques n’hésitent pas à user de la réalité virtuelle. Par exemple, l’office du tourisme des îles Féroé propose des visites virtuelles en direct où les visiteurs virtuels derrière leurs écrans peuvent contrôler à distance, comme dans un jeu vidéo, l’habitant qui lui explore les lieux en vrai avec sa caméra. On peut tout autant gravir le Mont Blanc en réalité virtuelle. Nous voilà précipité dans un monde où tout semble pouvoir être numérique.


Tout le monde joue actuellement le jeu du numérique pour des objectifs de santé publique. Le numérique est un grand atout dans la gestion de cette crise, il permet la distanciation sociale et la continuité de nombreuses activités économiques mais aussi de l’éducation. Cependant cette situation apporte aussi son lot de difficultés. Toujours selon l’étude Odoxa, 43% des télétravailleurs ne peuvent pas s’isoler pour travailler. Selon une étude d’Opinionway commandée par le cabinet conseil Empreinte Humaine, spécialisé dans le bien-être au travail, 44% des salariés en télétravail se disent en détresse psychologique. Beaucoup se plaignent de surmenage, se sentent isolés et manquent d'interactions sociales. L’imposition d’urgence du télétravail mais aussi de l’école en ligne montre beaucoup de limites et la hausse de risques psychosociaux. Cette expérience du télétravail très particulière montre que les conditions dans lesquelles on l’exerce sont importantes, il y a de nombreuses difficultés à surmonter pour mettre en place une situation de télétravail optimale pour tous. La période que nous vivons est aussi révélatrice des inégalités quant à l’accès au numérique et à internet. D’un autre côté on peut aussi se réjouir de toutes les nouvelles solidarités qui malgré la distance ont émergé par le biais du numérique en cette période de confinement. Finalement le confinement nous a fait prendre conscience de notre besoin de sortir, d'interagir avec les autres. Pour beaucoup il sera peut être aussi une prise de conscience quant à l’omniprésence néfaste que peuvent représenter les outils numériques.


Mais cette place du numérique est elle faite pour durer et doit elle durer ? Beaucoup se réjouissent que le confinement ait permis des baisses sans précédent de la pollution atmosphérique, que la nature ait pu reprendre ses droits par endroit. Le confinement a effectivement fait drastiquement réduire les trajets et l’utilisation de la voiture.

Les bienfaits sur l’environnement de nos nouveaux modes de vie plus numériques sont alors vantés pourtant la pollution numérique semble dans le même temps avoir disparu des discours. 

Il ne faut pas oublier que le numérique, selon l’ADEME, est responsable aujourd’hui de 4% des émissions mondiales de gaz à effet de serre et d’ici 2025 il est estimé que ce sera au moins 8%. Les impacts du numérique ne sont pas à négliger surtout à une période où il semble la solution à beaucoup de choses.


Et si finalement, cette crise, qui peut être vue comme une expérimentation de l’ère numérique, nous faisait prendre conscience de la nécessité de sobriété numérique.

Notre obsession devrait être de faire baisser la consommation numérique. Netflix a bien réduit sa bande passante, comme quoi voir des films en ultra haute définition n’était peut être pas si nécessaire. D’un autre côté, il n’y a jamais eu autant de connexions sur les réseaux 4G et cela a montré peu de difficultés pour que tout le monde se connecte et ait une connexion acceptable sans saturer les réseaux. Dans ce cas est-il nécessaire de déployer le réseau 5G si celui existant est suffisant ? La priorité devrait plutôt être à la réduction des zones blanches et au déploiement de la fibre optique, la connexion filaire à internet étant moins énergivore que la connexion via la 4G.

La transformation de nos modes de vie vers l’usage d’outils numériques toujours plus puissants, toujours plus énergivores qui sont changés trop souvent risque de plus participer au dérèglement climatique qu’à le contrer. Cette crise est le moment de repenser les usages de notre société ultra-connectée et faire de la sobriété numérique un leitmotiv.

> Nous ne stopperons pas notre consommation numérique mais nous pouvons en améliorer ses impacts.


En 2020 on a le choix de foncer tête baissé dans un usage du numérique irraisonné et de lui faire façonner nos modes de travail, d’éducation, de vie. Ou alors on a le choix d’orienter notre société petit à petit vers la sobriété numérique. Si on se concentre seulement sur ce dernier, l’objectif est en 2050 d’atteindre l’impératif de sobriété numérique de nos sociétés. Voici un scénario prospectif avec une liste non exhaustive de mesures à prendre pour atteindre l’objectif de 2050.

  1. Pour atteindre celui ci, en 2025, il aura fallu qu’une véritable prise de conscience se fasse quant aux impacts néfastes du numérique sur l’environnement. Ainsi l’idée de sobriété numérique pourra devenir le principe fondateur de la transition numérique en cours. Cela demandera plusieurs ajustements notamment le renoncement au déferlement des nouveaux objets connectés superflus voire inutiles. Il y aura des réticences mais la pédagogie devra jouer son rôle pour permettre une hiérarchisation de nos besoins réels et faire advenir cette prise de conscience. Ainsi le doux rêve des smart cities sera abandonné pour se réorienter vers un usage maximum des low techs.

  2. En 2030, il y aura eu une réduction des outils numériques alors utilisés soit en les mutualisant, soit en les substituant par d’autres dispositifs plus sobres. Ça aura aussi été l’occasion d’augmenter la durée de vie de tous ces outils, d’obliger leur réparation, leur réutilisation grâce à une série de lois. Quant aux sites et services numériques leur écoconception deviendra obligatoire.

  3. En 2035, suite aux lois pour un usage plus efficient des outils numériques, il sera advenu le temps d’instituer des normes quant à la puissance des équipements pour qu’ils soient le moins énergivores possibles. De plus, la prise en compte de la composante environnementale du numérique dans les choix, notamment des entreprises, sera devenue naturelle.

  4. En 2045, aura été observée une stabilisation voir une diminution de l’achat d’objets numériques.

Et c’est ainsi qu’en 2050 l’impératif de sobriété numérique a pu être établi et cela sans demander des sacrifices mais en hiérarchisant nos besoins et en réduisant les usages numériques non essentiels et inutiles.


Cette impératif de sobriété numérique a un rôle à jouer dans la stabilisation puis la diminution des émissions de gaz à effet de serre. Il ne faudrait pas que notre transition numérique soit contre-productive par rapport aux questions climatiques. Les usages du numérique changent nos modes de vie mais ils ne doivent pas devenir une entrave à la transition écologique, ils doivent l’accompagner en commençant par se transformer eux mêmes.

C’est peut être une des choses que l’on doit retenir de la crise du Covid-19, car si le numérique est un outil formidable dans la gestion de cette crise, nous voulons aussi qu’il le soit dans un monde d’après plus écologique et pour cela nous devons en revoir ses usages. 

Élise BOUHÉLIER


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