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Désertification : le savoir-faire paysan au chevet de l'Espagne

Dernière mise à jour : 16 févr. 2021


Un état des lieux alarmant 

Aujourd'hui des études nombreuses indiquent que l'Espagne est en proie à une désertification majeure de ses sols et ce risque est pris très au sérieux par les autorités locales. Ainsi, 20% du territoire serait déjà dégradé tandis que 70 % présenterait des risques plus ou moins importants. Voici un aperçu général de la situation :


Aridité des terres en Espagne

Source : Gouvernement espagnol "Programme d'action contre la désertification"


Comme le remarque justement Gabriel del Barrio, chercheur à la Station expérimentale de zones arides, il n'est pas question ici de l'apparition de dunes sablonneuses en pleine péninsule ibérique. L'occasion ici de préciser ce phénomène.

La désertification se doit d'être différenciée du désert. Un désert, aride ou froid, est un espace géographique aux caractéristiques biologiques et géologiques bien particulières. C'est un écosystème mature avec une biodiversité qui lui est propre. La désertification est elle un "processus socio-économique" qui fait état d'une érosion et d'un appauvrissement des sols. Vous l'aurez compris, elle est la conséquence directe d'une emprise humaine sur les terres arables.


Quels sont les facteurs de dégradation qui ont rendu ces territoires si vulnérables ? 

Plusieurs éléments liés les uns aux autres sont à mettre en évidence :

  • Dès le XIXe, l'extraction minière (plomb et cuivre notamment) dans le Sud de l'Espagne avec son pendant, la déforestation massive.

  • L'agriculture intensive (mer de plastique des serres du Sud) couplée à un recours massif à la monoculture (olivier, tomates, etc...).

  • Une mauvaise gestion de la ressource en eau et notamment des réserves présentes dans les aquifères, formations géologiques propres à ces territoires.

Aquifère : Un aquifère est un sol ou une roche réservoir originellement poreuse ou fissurée, contenant une nappe d'eau souterraine et suffisamment perméable pour que l'eau puisse y circuler librement (Wikipédia).


"Potager de l'Europe" dans la province d'Almeria. Les cultures hors-sol profitent d'un ensoleillement exceptionnel et de l'eau souterraine.


Plusieurs conséquences directes

  • Sur la côte, salainisation des sols et de l'eau douce : effets toxiques sur la végétation.

  • Affaissement des reliefs et notamment des cultures en terrasse qui ne sont plus d'usage.

  • Perte de matière organique et appauvrissement du sol.

  • Tissu économique et social fragilisé car très dépendant des cultures mais aussi employeur important de saisonniers déjà en grande difficulté économique.

Remarque :

Si le réchauffement climatique a bien évidemment tendance a accéléré le phénomène notamment par l'irrégularité des pluies qui s'accentue et des étés relativement plus longs, la désertification est un processus plus complexe et directement lié à l'activité humaine. Ainsi, il ne doit pas être perçu uniquement à travers le prisme de la ressource en eau. En effet le territoire espagnol a toujours été une terre aride et sèche. C'est bien l'usage inapproprié de son sol qui a entraîné de tels risques. De ce fait, l'érosion des sols n'est pas toujours visible à l'oeil nu. Un des signaux faibles qui alertent les scientifiques est la disparition prématurée de certaines variété d'arbre comme le chêne.


L'Almeria et l'Andalousie : symbole et laboratoire vivant 

Si quasiment toute l'Espagne est aux prises avec la désertification, c'est bien l'Andalousie et la province d'Almeria, en étant notamment le siège de la Station expérimentale des zones arides, qui sont au coeur des problématiques mais aussi des initiatives pour lutter contre le processus.

L'avantage, si l'on peut dire, de l'origine humaine de la désertification est que l'on peut largement influé sur son évolution, même à court terme.

Ainsi plusieurs réponses locales se mettent en place en s'appuyant notamment sur le savoir-faire paysan. En voici quelques unes :

  • Varier les cultures en utilisant au mieux les fonctions propres à chaque variété cultivée. On retrouve par exemple des amandiers s'épanouissant aux côtés de céréales, d'herbes aromatiques et de jachères, ce qui participe à la richesse de l'écosystème.

  • Respecter le relief et en prendre compte dans la gestion de la ressource en eau qui ruisselle.

  • Réintroduire des savoirs-faire ancestraux comme la préparation des sols à recevoir la pluie afin que toute l'eau puisse s'infiltrer et éviter les sols nus.

  • Introduire des chèvres et des brebis en semi-liberté qui produise de l'engrais naturel et participe à l'aération des sols.

Ces différents éléments sont plus connus sous le terme d'agriculture régénératrice.


Comment favoriser la mise en oeuvre de ces solutions ? 

On le voit, ce sont des méthodes aux antipodes de ce qui est majoritairement pratiqué aujourd'hui mais cela s'impose de plus en plus comme une nécessité. Par ailleurs d'autres éléments peuvent venir accompagner cette transition.

  • L'Espagne a largement développé les usines de dessalement. Quand bien même ce sont des procédés couteux en énergie et en moyens financiers, elles peuvent aider à court terme en permettant à certaines sources naturelles de se régénérer.

  • L'étude scientifique poussée des compositions géologiques et organiques qu'a lancé le gouvernement permet d'appréhender au mieux les problématiques.

  • S'appuyer localement sur les populations paysannes pour élaborer un nouveau tissu économique et agricole.

  • Enfin, l'État doit anticiper la transition économique d'un secteur condamné à disparaître, d'autant plus que cette partie de l'Espagne est peuplée par des foyers plus fragiles économiquement. Almeria est ainsi la province au plus fort taux de chômage en 2017 (27,5 %).


Sources :





Par Hugo Wiber




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