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Faire face à d'autres pandémies : la France va-t-elle vers une nouvelle culture hygiéniste ?

  • Etudiant
  • 5 févr. 2021
  • 5 min de lecture


La transformation de notre rapport au toucher


La Covid19 : cette pandémie, avant-goût des conséquences du réchauffement climatique sur la santé, devrait être la première de toute une série... mais nous n'y étions clairement pas préparés. Mais si les pandémies deviennent monnaie courante de nos sociétés, quelle sera, après cette expérience, notre capacité de réaction ? Une nouvelle culture du risque va-t-elle se développer, empêchant notre système de re-sombrer en cas de nouvelle pandémie ?

Selon Lévi-Strauss, la culture désigne l'ensemble des institutions, des croyances, des comportements et aptitudes que les individus ont appris, en tant que membres d'une société. Dans la société française, la bise est (était ?) par exemple une pratique culturelle ! Mais cette coutume est loin d'être « hygiéniste », au sens ou elle n'est pas favorable à la préservation de la santé humaine, car favorise, par le contact, la transmission de bactéries, virus ou microbes.

Il faut bien reconnaître qu'avant la crise, notre rapport au toucher était bien différent de celui que l'on développe aujourd’hui : « éviter tout contact physique » semble être devenu notre nouvelle maxime. Le but étant d'éviter toute contagion, qui viendrait fragiliser, non seulement le corps social, la vie économique mais aussi la capacité d'action des structures hospitalières. Alors qu'avant la Covid, il nous semblait naturel de faire la bise, de prendre quelqu'un dans ses bras, de toucher aux produits dans un magasin, aujourd’hui nous tiquons si nous voyons quelqu'un se comporter de cette manière. En peu de temps, et face à la nécessité de protéger la population, nous avons du adapter nos pratiques culturelles.


La distanciation sociale : LA solution pour réduire notre exposition au risque


Alors que la Covid19 se déployait, les polémiques concernant les habitudes et gestes à instaurer ont fait douter le territoire français. On s'est d'abord demandé si le port du masque était efficace, s'il diminuait la vulnérabilité de la population. Et après avoir constaté qu'il permettait bel et bien de réduire le risque de contamination, il a été rendu obligatoire en juillet 2020 dans les lieux clos. On s'est aussi demandé si la distanciation sociale était réellement une solution, ou s'il fallait compter sur l'immunité collective. Mais face à l'échec de cette stratégie testée par la Suède, force est de constater que nous n'avons d'autres choix que d'entrer dans cette ère de la distanciation physique, pour empêcher une explosion du nombre de contamination.

Il apparaît donc indéniable que les contacts physiques augmentent notre vulnérabilité face au risque d'être contaminé. Et que les gestes barrières, ainsi que la « désinfection » sont efficaces pour prévenir des maladies, de manière générale. Le nombre de grippes et de gastro saisonnière a d'ailleurs été, sans surprises, réduit cet hiver : selon le réseau Sentinelles, les taux de contamination de gastro sont « inférieurs à ceux observés habituellement en cette période ».


La santé vacille et rien ne va plus !


Ainsi, la crise sanitaire a d'abord révélé le potentiel « dangereux » de nos contacts physiques quotidiens. La santé de la population, indispensable à la résilience d'un territoire, se retrouve donc être le premier secteur vulnérable. Et si cette vulnérabilité révèle celle de tous les autres secteurs – économique, social et politique - , et est le déclencheur de leur effondrement, n'oublions pas que c'est notre santé qui est première victime de ce virus, et qu'à ce titre, c'est aussi vis-à-vis d'elle que nous devons penser la résilience. Cette vulnérabilité sanitaire semble d'ailleurs renforcée par des schémas culturels : parlons, outre de la bise évoquée précédemment, du refus français d'un vaccin « trop vite arrivé »...L'accroissement de notre vulnérabilité sanitaire a révélé la vulnérabilité organisationnelle française : n'étant pas préparées à cette crise, les urgences hospitalières ont été en peine de faire face à la saturation de leurs services et le gouvernement n'a pas su rassurer sa population. Si nous devons remodeler nos schémas économiques, sociaux et politiques, pour à l'avenir, faire face à de nouveaux aléas, une population en capacité de le faire est nécessaire. Et si l'être humain est vulnérable, alors la société entière sera vulnérable.

Dans tout cela, nous apercevons une lueur d'espoir : nous avons accepté de modifier nos comportements, de changer nos réflexes, d'aller vers une société davantage contrôlée et aseptisée, dans le but de nous protéger, mais surtout de protéger les autres. Nous observons l'émergence d'un sentiment de responsabilité à l'égard d'autrui, et notamment de nos aînés. Aujourd’hui, on s'isole ou on se fait tester avant d'aller rendre visite à une personne « vulnérable », qu'on évitera ensuite de toucher. Va-t-on cultiver cette solidarité, ce sentiment de responsabilité des uns vis-à-vis des autres, indispensable pour engager la résilience d'un territoire ? Va-t-on développer une nouvelle « culture de la prévention », pour éviter d'avoir à guérir ?



Une entrée dans l'ère du sans contact et de la perpétuelle désinfection...


Nous avons fait preuve d'innovation et changé nos réflexes, si bien que le « monde d'avant » semble aujourd’hui bien loin. Entrés dans l'ère du sans-contact, avec la démocratisation du paiement sans-contact, ou le développement en Chine de boutons holographiques d'ascenseurs, de machines à cafés contrôlées par smartphone, nous faisons face à une « obsession » pour ce qui est « plus hygiénique ». Autrement dit, nous évitons au maximum tout ce qui pourrait nous amener à toucher des surfaces infectées. Nos coudes entrent en contact pour remplacer les poignées de main. Du gel hydroalcoolique est disposé à l'entrée des magasins, ou à certains arrêts de bus, comme dans la ville de Troyes. Les vendeurs sont équipés de gants en latex. « Compréhensible » me direz-vous. Oui, en cette période. Mais cela va-t-il réellement disparaître une fois la covid maitrisée ? Après des mois privés du toucher, nos gestes reviendront-ils « à la normale » quand nos corps pourront sortir du carcan des mesures sanitaires ? Cette question prend tout son sens quand on sait que l'on apprend aux enfants, qui façonneront la société de demain, les gestes barrières à appliquer. Dans ce domaine aussi, nous avons fait preuve d'ingéniosité : France télévisions a diffusé des films éducatifs, où Petit Ours Brun venait expliquer ce qu'étaient les gestes barrières. Les enfants chantonnent aussi « Coronaminus », la chanson des gestes barrières qu'on leur enseigne à l'école.


De la même manière qu'au Japon, la « culture du masque » s'est développée suite au traumatisme de la grippe espagnole de 1919, on peut se demander :


Ce néo-hygiénisme « préventif » va-t-il s'ancrer durablement dans notre culture ?


A supposer que l'apparition d'autres épidémies dans les décennies à venir se confirme, il apparaît probable qu'en 2050, on ne soit jamais vraiment sortis de la « Cov-attitude ». Une société dans laquelle le port du masque, à défaut d'être obligatoire hors période de crise sanitaire, serait devenu habituel en cas de symptômes légers est possible. A la vitesse où va la technologie, le territoire français pourrait adopter de nouvelles innovations, pour protéger la santé de sa population et éviter l'impact d'une nouvelle crise sanitaire : tous les commerces pourraient être munis de monnayeurs automatiques, les écoles et bibliothèques de claviers holographiques... Le gel hydroalcoolique deviendrait un nouveau business tant son usage pourrait devenir fréquent dans les lieux publics !

Du côté de la responsabilité individuelle, et dans le but de réduire la vulnérabilité collective, on peut supposer qu'apprenant de cette crise, chacun pourrait se faire tester en pharmacie, dans une logique de limiter la propagation des maladies. La législation française pourrait impulser cette dynamique, en imposant lors de passage des frontières, la détention de certificats attestant de la « bonne santé » du voyageur...


Si ce scénario ne nous paraît pas souhaitable, c'est hélas celui qui nous permettrait peut-être de faire face à de nouvelles crises sanitaires : en développant une nouvelle culture de la prévention, qui s'affirmerait à travers une société hygiéniste, et qui serait complémentaire à la réorganisation de notre système social, économique et politique, nous pourrions continuer d'œuvrer collectivement, pour la résilience de nos territoires. Mieux armés pour éviter une nouvelle crise sanitaire, la société française pourrait se concentrer avec davantage d'efficacité sur la gestion des risques dus aux autres aléas auxquels elle sera confrontée !


Marianne Abrioux




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