top of page

Gouvernance participative et système de santé universel : un modèle de résilience face aux pandémies

(Focus sur la région de Kerala en Inde)

 

La crise sanitaire actuelle a mis en exergue les failles des systèmes sanitaires et des modèles de gouvernance existant sur le globe, à l’instar de ceux des pays de l’OCDE. Alors que la crise écologique se fait de plus en plus présente et qu’elle s’accompagne d’une augmentation du risque de pandémie mondiale,il apparaît plus que nécessaire que les gouvernements mondiaux tirent les enseignements de cette crise pour faire évoluer leurs modèles dans le bon sens. En somme, faire du système de santé un système résilient face aux crises à venir doit devenir une priorité pour les gouvernements. La région de Kerala en Inde donne un exemple fort de cette résilience.



De l’Europe aux USA : des systèmes de santé fragiles


Les États-Unis, pays où l’assurance maladie est dans les mains du secteur privé et où l’Obamacare n’a pas réussi à combler les manques de ce système, 28 millions d’Américains restent encore sans couverture maladie. Autant d’Américains qui n’ont pas les moyens de se faire tester et encore moins de se faire soigner s’ils contractaient la maladie, cela représente un risque majeur de santé publique pour le pays. À cela s’ajoute le risque de débordement dans les hôpitaux pour lesquels le manque de personnels et de matériels est très préoccupantes. En Mars 2020, les experts proposaient de rappeler les personnels soignants à la retraite depuis moins de 5 ans pour combler le manque face à la crise. Des propositions d’urgence qui illustrent les failles d’un système néo-libérale où l’État a longtemps délaissé son rôle d’État-providence.

Dès le 18 mars, le président Donald Trump signait le texte de loi “Families First Coronavirus Response Act” pour assurer la gratuité des tests covid, seul moyen à l’époque d’éviter un accroissement des cas en isolant les malades. Ce texte assure également une aide aux entreprises pour financer un congé payé de deux semaines pour les salariés ayant eux-mêmes ou un de leurs proches contracté le covid. Alors que le parti Républicain s’est toujours opposé à de telles mesures, la crise sanitaire ne leur a pas laissé le choix que d’assurer ce minimum aux citoyens au risque d’aggraver une situation déjà catastrophique.

En effet, un an après le début de la crise, les USA reste le pays le plus durement touché par celle-ci avec plus de 513 000 décès et plus de 28 millions de cas confirmés le 03 mars 2021. Alors que Joe Biden, élu depuis novembre dernier, essaye de renverser la situation par des aides d’urgences et des plans de relance, le système de santé américain a révélé des failles si profondes que le pays, alors plus riche du monde, fait preuve de grandes vulnérabilités face aux crises sanitaires.


Les Européens ne font pas mieux face à la crise du covid-19, pourtant leurs systèmes de santé paraissaient plus résilient avant la pandémie. Selon l’OCDE, la crise a “révélé au grand jour les fragilités des systèmes de santé qui lui préexistaient”. Dans son rapport bi-annuel Health at Glance : Europe 2020. l’institution pointe du doigt les pays de l’Europe qui ont été lents à réagir au début de la pandémie : manque de test, consignes peu claires, manques de matériels médicales etc… Le tableau ci-dessous montre la quantité de tests réalisés entre mars et mai 2020 au sein des pays de l’UE.


Ce tableau de statistique soulève une faible de corrélation entre le nombre de tests réalisés dans un pays avec ses dépenses de santé par habitant en dollars.

Source : Institut économique Molinari


L’UE a elle aussi dépassé le seuil des 500 000 décès dû au coronavirus pour environ 20 millions de cas confirmé depuis le début de la crise. Avec les USA, elle fait partie des régions du monde les plus touchés par la pandémie alors qu’elle se flatte d’avoir des systèmes de santé solide et des dépenses de santé supérieures par rapport au reste du globe. Pourtant, l’OCDE, toujours dans son rapport, le rappelle : “les dépenses de santé doivent être regardées comme un investissement plutôt qu’un coût, les politiques publiques n’avaient pas assez changé dans ce sens avant la crise”.

Par ailleurs, les dépenses de santé ne reflètent pas la capacité des hôpitaux à accueillir des patients (indicateurs utilisés pour comparer les États les mieux équipés à ceux les moins bien équipés). En effet, les deux graphiques ci-dessous montrent bien que les pays avec les dépenses de santé les plus élevées sont souvent ceux les moins bien équipés et vice-versa.



























Selon le Docteur Jérôme Marty, président du syndicat UFML (Union française pour une médecine Libre) alors que la France paraissait bien dotée pour faire face à une telle crise, celle-ci a mis en exergue un système de gouvernance verticale tenu par des administrations prenant leurs ordres auprès de Bercy. Selon lui, le covid-19 peut enfin être l’opportunité de changer le système, il souhaite que celui-ci soit :

"construit avec les représentants des soignants et des patients en une démocratie sanitaire mature"

La région du Kerala (Inde) entre gouvernance participative et système de santé universel : un modèle pour le reste du monde


Le Kerala a été l’une des premières régions du monde touchée par la pandémie du coronavirus, avec un pic dès le 23 mars 2020. Mais rapidement, grâce à des tests massifs, un traçage solide et un isolement de 28 jours pour toutes les personnes infectées ou cas-contacts, la région a réussi à limiter la propagation du virus sur son territoire. L’efficacité de sa politique de lutte contre le covid-19 réside dans un système de gouvernance participative et un système universel de santé installé bien en amont dans la région.


Selon une étude de la revue Alternative économique, la région du Kerala a investi dans les infrastructures de santé depuis des décennies tout en ayant déployé une couverture de santé universelle pour tous ses habitants. De tels investissements permettent une solidarité forte entre citoyens, associations et institutions, à l’instar de la police municipale qui apportent les produits essentiels aux personnes isolées. De plus, alors que tous les pays européens étaient en pénurie de masques et autres matériels médicales, l’organisation local Kudumbashree, qui rassemble associations et groupes féminins d'entraide, a soutenu la production de masques et de gels hydroalcooliques dès mars 2020. Un système participatif solide qui rend la région résiliente aux aléas extérieurs tels que le coronavirus. Le modèle de gouvernance décentralisée du Kerala repose sur une délégation de pouvoirs au niveau des villages. C’est donc au niveau local et avec la participation du public que sont fait les financements publics expliquant de fait la part conséquente des investissements dans les infrastructures de santé.

Selon Sashi Tharoor, diplomate et homme politique indien, le Kerala :

“offre des enseignements clairs et précieux pour le reste de l’Inde [et le monde], à la fois dans la riposte contre la crise actuelle et dans la préparation face à la prochaine [crise].

Anne JAMARD

bottom of page