L'Agriculture intensive en Bretagne : entre érosion des sols et résilience.
- Etudiant
- 21 mars 2020
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Dernière mise à jour : 17 avr. 2020
Les sols : une ressource mondiale en danger.
En 2015, la FAO (l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture) publiait un rapport sur l'Etat des ressources en sol du monde. Les conclusions de ce rapport sont loin d'être positives, la majorité des ressources en sol dans le monde est dans un état passable, mauvais ou très mauvais, et les conditions d'exploitation des sols empirent souvent bien plus qu'elle ne s'améliorent.
Pourtant, les sols sont une ressource vitale pour produire des cultures nutritives et jouent une fonction fondamentale pour le climat. La perte de la productivité des sols compromet l'agriculture vivrière (agriculture tournée vers l'auto consommation et l'économie de subsistance) et la sécurité alimentaire. Il est donc plus que nécessaire de retourner à une gestion durable des sols.
L'Est de la Bretagne : une région exposée à l'aléa de l'érosion des sols :
L'Est de la Bretagne est une région très agricole et à l'urbanisation croissante. Elle fait partie des mauvais.es élèves que la FAO surveille de près. Malgré leur capacité à s'adapter à l'accroissement des pressions humaines, les sols bretons s'affaiblissent : ils ont de moins en moins de matières organiques, de plus en plus de phosphores et de métaux lourds, et une activité biologique perturbée.
L'érosion des sols en Bretagne selon une étude de l'INRA (Institut National de la Recherche Agroéconomique) de 2010

Plusieurs facteurs sont à l'origine de ce phénomène :
Une exploitation hétérogène des sols
Un changement des pratiques agricoles et l'import d'effluents d'élevage (fertilisants) pauvres en carbone.
L'urbanisation de la région
La Bétonisation des sols et l'usage de machines agricoles lourdes
Du fait de ces différentes pollutions, de nombreux sols bretons ont accumulé du phosphore, conséquence directe de la diffusion d'une grande quantité d'effluents. D'après une étude de la direction régionale de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement de Bretagne (DREAL), entre 2000 et 2004, 70 % des cantons bretons avaient des sols trop riches en phosphore, dépassant nettement les seuils recommandés pour une fertilisation raisonnée. L’excès de phosphore n’a pour l'instant pas de conséquence néfaste avérée sur la croissance des végétaux ou sur l’écosystème du sol (puisqu'il est avant tout nécessaire aux développement des végétaux). Toutefois, avec le ruissellement, il peut avoir un impact sur les cours d'eau et donc sur l'état de la masse d'eau, dont une des conséquences visibles est, entre autre, la prolifération des algues vertes sur les côtes Bretonnes.
Des solutions existent pourtant pour limiter l'érosion des sols.
Les solutions de manière générale
- Une exploitation durable des sols par des techniques culturales simplifiées (techniques visant à limiter le travail du sol pour le préserver).
- Poursuivre un suivi rigoureux de la qualité agronomique et organique des sols.
- Multiplier les parties prenantes du changement en diffusant les connaissances et en formant les agriculteur.rices et les acteur.rices publiques sur une bonne gestion des sols.
- Mettre en avant les innovations responsables qui existent déjà et favoriser leur développement.
Breizh Bocage, l'exemple Breton d'une gestion responsable des sols.
Le bocage est une région agricole où les prés et les champs cultivés sont enclos de talus portant des haies. Le bocage est aussi un moyen complétement naturel de préserver l'habitat du bétail, la biodiversité, les cultures, les paysages et surtout de limiter l'érosion des sols. En 2008, le programme européen Breizh Bocage de Bretagne était lancé. Il vise la restauration des bocages pour principalement améliorer la qualité des eaux en réduisant les transferts de polluants d'origine agricole vers les masses d'eau (ce qui, à défaut de réduire l'utilisation de ces produits polluants, permet déjà de faire un pas vers une agriculture plus responsable). Un premier programme a été mis en place sur la période 2008-2013. Un second programme est en cours sur la période 2015-2020. Ces programmes s'articulent en trois points :
> Une étude préalable faisant un état des lieux du maillage bocager et de sa place sur le territoire.
> Des diagnostics bocagers à l'échelle de la parcelle et de l'exploitation agricole.
> Des travaux de restauration et de création du bocage.
L'intérêt de Breizh Bocage est qu'il rassemble une multitude d'acteur.rices et ce à plusieurs échelles du territoire. Ainsi on y retrouve :
- La DREAL, qui propose de poursuivre la politique de maintien et de restauration du bocage.
- L'Union Européenne qui finance le programme au travers du FEADER (Fonds Européen Agricole pour le Développement Rural)
- La Région Bretagne
- Le Conseil Départemental d’Ille et Vilaine
- l’Agence de l’eau Loire Bretagne
- La Communauté de commune
Une coopération multiscalaire est une des clés pour améliorer la résilience d'un territoire. Le dialogue et la communication entre des acteur.rices différent.es permettent de chercher une solution au plus proche du terrain tout en disposant de la gouvernance nécessaire à la mise en place du projet. Par conséquent, depuis 2011, Breizh Bocage a bénéficié à plus de 240 acteur.rices (particulier.ères, agriculteur.rices, collectivités) et a permis la restauration de 130 km de haies.
Jeanne COMBAT

Merci pour cet article Jeanne!
En effet, il a été question dans l'article de la coopération multiscalaire. Il semblerait que la transition vers une agriculture plus durable se fasse aussi par la sensibilisation des agriculteurs à des pratiques plus respectueuses des sols. Cela peut passer par des programmes européens et institutionnels. Cette sensibilité peut être transmise par l'école et l’enseignement dans le secteur l'agricole, mais aussi par des associations locales, plus ou moins officielles qui permettent aux agriculteurs d'échanger leurs outils, leurs objectifs et leurs savoirs faire. Ces nouvelles formes de coopérations sont plus invisibles mais tout aussi fondamentales pour la transition agricole.
Merci beaucoup Jeanne pour cet article très intéressant !
Je souhaitais justement revenir sur la question du phosphore, qui se montre, lui aussi, comme l'un des multiples défis auxquels nous allons devoir faire face dans les années à venir.
Comme tu l'as dit, si avant les agriculteur.rices utilisaient des techniques naturelles pour fertiliser leurs sols comme le guano, depuis les années 1950 la technique privilégiée est devenue l'extraction à la source du phosphore dans les gisements rocheux, pour être ensuite transformé en engrais "phosphatés". Ces engrais constituent l'un des piliers du modèle de l'agriculture intensive, aujourd'hui devenu dominant.
La surfertilisation est la cause de l'épuisement de cette ressource non-renouvelable - en plus d'avoir un lourd impact écologique (eutrophisation). Certain.es scientifiques…