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L’eau de pluie, cauchemar de tuyauterie ou opportunité pour les milieux urbains ?



En 2019, la métropole de Marseille a subi de très fortes averses et inondations. Avec le changement climatique, ces phénomènes météorologiques sont de plus en plus fréquents. Une étude du commissariat général au développement durable a montré qu’en France, 65% des événement naturels dommageables sont des inondations. La France a mis en place en 1982 la possibilité de reconnaître un état de catastrophe naturel. Depuis lors, on voit que les inondations sont la cause première des accidents très grave. Le très fort impact des inondations est dû, selon le rapport, à l’accroissement de l’urbanisation.


De plus, le changement climatique a pour conséquence la réduction du volume d’eau disponible : les épisodes de fortes pluies alternent avec des épisodes de sécheresse. Des conflits d’usage autour de l’eau sont donc susceptible d’apparaître. Ainsi, penser la perméabilité des sols permettrait à la fois de résoudre la gestion des trop plein d’eau mais également de mieux l’économiser et la réutiliser.


L’imperméabilité des sols est en effet un important facteur de vulnérabilité dans les villes. Alors qu’en campagne les sols peuvent absorber les excédents d’eau, les sols bitumés des villes empêchent l’infiltration. Cela crée des ruissellements violents, l’eau de pluie se salie sur son chemin, elle accumule les métaux lourds présents sur les toits, les hydrocarbures sur les routes et les déchets, puis fini dans les circuits d’évacuation avec les eaux usées.


Cependant, lorsqu’il pleut beaucoup, les stations d’épurations saturent et les eaux non traitées sont reversées dans les milieux naturels. Cela est très néfaste pour les eaux de baignades sur la côte ainsi que pour les nappes souterraines. De plus, la captation de l’eau dans les canalisations l’empêche de réaliser son cycle naturel. Elle n’est pas restituée au sol ni ne s’évapore. L’évaporation de l’eau permet d’humidifier l’air donc de faire baisser la température, réduisant les îlots de chaleurs. Quant à l’infiltration dans la terre, elle permet une irrigation naturelle donc des économies en eau. Il semble donc nécessaire de déconnecter les eaux pluviales du réseau d’assainissement pour en faire un meilleur usage et favoriser l’infiltration plutôt que le ruissellement. De plus, en raccourcissant son trajet en surface, l’eau sera moins polluée.


Il est donc nécessaire aujourd’hui de se pencher sur les méthodes alternatives et innovantes de gestion des eaux pluviales, d’une part pour faire face aux inondations croissante et d’autre part parce que l’objectif de « zero artificialisation nette » entre peu à peu dans le débat public.


La ville perméable répond en effet à de nombreux enjeux interconnectés : confort thermique, nature en ville et valorisation des milieux aquatiques. Il existe donc de nombreuses techniques pour désimperméabiliser les sols et permettre à l’eau de s’infiltrer ou de s’évaporer. Les solutions proposées proviennent du rapport de l’Agam (agence d’urbanisation de l’agglomération de Marseille) « ville perméable, ville désirable. Quand l’eau refait surface ».


Les pieds d’arbres, terrains de sport, jeux d’enfants, promenades et places, ronds-points, axes de circulation et toits peuvent être mieux pensés afin de stocker ou infiltrer l’eau.


- Toutes les zones de nature en ville absorbent naturellement l’eau de pluie et profiteront de cet arrosage naturel.

- Les terrains de sports et de jeux peuvent être constitué d’un revêtement spécial perméable pour permettre l’infiltration. Autrement, en les décaissant d’une quinzaine de centimètres, ils peuvent se transformer en micro-stockages d’eau à ciel ouvert, à l’image des actuels bassins de rétention souterrains. D’autres espaces habituellement bétonnés peuvent avoir des revêtements qui permettent l’infiltration, comme les parkings par exemple.

- Les toits des bâtiments peuvent être exploités de plusieurs façons : leur végétalisation apporte un bénéfice thermique en isolant les bâtiments et en absorbant l’eau de pluie, l’agriculture urbaine peut permettre d’alimenter les habitants. On peut également installer des petits bassins de rétention pour les usages non alimentaires de l’eau de pluie. Pour rappel, en France moins de 10% de l’eau potable est utilisée pour être directement consommée.

- Pour ce qui est des systèmes de drainage naturel, il faut réhabiliter les noues, ces fossés végétalisés le long des bâtiments et des voies, légèrement décaissés, qui collectent l’eau, la retienne et permette soit son infiltration soit son évaporation.



Les parties prenantes de la désimperméabilisation des sols peuvent être multiples.

- Les citoyens peuvent être porteurs de la demande ou aménager eux-mêmes les toits de leurs immeubles.

- C’est ensuite aux élus de mener des projets à l’échelle du quartier et de l’agglomération pour concevoir des espaces publics perméables ou ponctuellement submersibles, gérer les eaux pluviales en cycle court et augmenter le couvert végétal.

- Les projets de desimperméabilisation peuvent faire l’objet de financement, par exemple dans le cas de Marseille par l’agence de l’eau Rhône Méditerranée, jusqu’à 50% du budget.

- Les différents plans d’aménagement du territoire (SDAGE, SCoT, PLUi) sont également des acteurs dans la mesure où ils peuvent orienter les projets vers une prise en compte de la question de la gestion des eaux de pluie. Par exemple, le SDAGE (Schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux) du bassin Rhône Méditerranée a mis en place un principe de compensation : la surface cumulée des projets de désimperméabilisation doit atteindre 150% de la nouvelle surface imperméabilisée.

- Dans l’objectif de mettre en place ces techniques alternatives de gestion de l’eau, Marseille a lancé un appel a projet pour trouver de nouvelles solutions de désimperméabilisation.


D’après plusieurs études, l’aménagement de systèmes d’infiltration ne serait pas plus onéreux que les systèmes d’évacuation. En effet, au lieu de créer des aménagements, on en supprime. De plus, on réalise des économies car plutôt que d’évacuer et traiter l’eau on peut l’utiliser directement.


Ce qui est en jeu ici, c’est la qualité du cadre de vie, la santé et la disponibilité de la ressource en eau. Il est donc essentiel, au vu des perturbation climatiques déjà en cours, de repenser dès maintenant l’aménagement des villes. La desimperméabilisation des sols n’est qu’un sujet à traiter parmi tant d’autres.


Alice Lucas



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