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L'unité des 27 à l'épreuve de la campagne de vaccination

  • Hugo Wiber
  • 17 avr. 2021
  • 5 min de lecture

Les chiffres et les informations ne manquent pas sur la situation sanitaire en Europe et notamment concernant la campagne de vaccination au sein de l’Union Européenne (UE), exacerbant un peu plus encore les velléités dont les institutions européennes sont victimes, à tort ou à raison, depuis le début de cette pandémie.

On revient dans cet article sur la campagne de vaccination au sein des 27 pays membres, sur les éléments à prendre en compte pour signifier les difficultés et tenter d'anticiper les solutions.


On sait l'Union européenne très décriée. Pour autant, on constate jusqu'ici une certaine solidarité entre les états membres, que ce soit du point de vue de la dette ou de la vaccination. Néanmoins, cette unité ne bénéficie pas d'un situation avantageuse, au contraire. Si bien que la crise sanitaire pourrait s'avérer être un tournant dans la gouvernance européenne avec une comparaison parfois dangereuse avec des régimes autoritaires ou bien la Grande-Bretagne avec qui les rapports se durcissent.



Comment est advenue cette situation problématique ? 

Petite chronologie sur le vaccin

Pour bien comprendre la situation actuelle il convient de revenir sur les mois qui ont conduit à l’élaboration d’un vaccin.

Dans cette « course » à la vaccination on peut regretter l’échec de Sanofi, fleuron de l’industrie pharmaceutique et leader mondial de la vaccination contre la grippe notamment, d'autant plus au regard de la cohésion entre AstraZeneca et la Grande-Bretagne. Plusieurs raison sont à relever. L’entreprise venait de renouveler son équipe dirigeante et a donc perdu en capacité de réaction pendant un temps. À cela s'ajoute des divergences internes sur la stratégie du groupe dans un exécutif à deux têtes, peu soudé. Par ailleurs, au moment où le génome du virus a été publié, les laboratoires de Sanofi ne se sont pas intéressés tout de suite aux possibilités de créer un vaccin. Ces différents évènements ont conduit à un retard, certes minimal, mais décisif, qui plus est avec la règle des brevets. On se référera ici à l'article de Gabin.


Retour sur les chiffres

Tentons désormais d’apporter de la clarté dans le flux d’informations disponible. Combien de doses l’UE a commandé ? Quel calendrier était-il prévu ? AstraZeneca a-t-elle respecté les termes du contrat ? Autant de questions importantes mais dont la réponse peine réellement à se dessiner.

  • 120 millions de doses étaient prévues pour le premier trimestre

  • 30 millions seulement ont finalement été livré


Une erreur dans le contrat passé avec AstraZaneca ? Avant d’aborder cette partie, notons que c’est la Commission européenne qui a mené largement les négociations pour la commande des vaccins.


On l'a vu, AstraZeneca n'a pour l'instant pas rempli la part du contrat. Mais pourquoi l'Europe se cantonne-t-elle à des remontrances verbales et n'engage pas de recours ? La raison est à aller chercher dans le contrat lui même. Il y a bien eu un engagement pour un nombre de doses précis avec un échelonnement par trimestre. Ce premier point est déjà problématique. L'échelonnement par trimestre n'assure pas forcément une livraison régulière. AstraZeneca peut très bien livrer les doses à chaque fin de trimestre et cela complique l'organisation logistique nationale des campagnes de vaccination.

Plus inquiétant est le type d'engagement qui a été pris. En effet, selon les termes du contrat AstraZeneca s'est engagé à faire seulement "les meilleurs efforts raisonnables" pour honorer le contrat. Cependant, on le remarque tout de suite, il n'y a aucune obligation formelle. Le contrat fait donc état d'une obligation de moyen et non de résultat. On peut le regretter surtout lorsque l'on compare avec les autres contrats signés notamment entre la Grande-Bretagne et le laboratoire.

Un autre point à éclaircir est l'organisation de ces livraisons. En effet, la Commission prévoit que pour tenir compte des efforts, on prend en considération les quatre sites de production du principe actif dont deux se trouvent en Angleterre et deux autres dans l'Union européenne. Mais plus ambigüe, AstraZeneca doit livrer des vaccins uniquement produits sur les sites de l'UE. On se retrouve avec une situation embarrassante :

  • Les deux sites anglais réservés à la Grande-Bretagne

  • Les deux sites européens fournissent aussi bien l'UE que la Grande-Bretagne


Voici une carte pour mieux percevoir l'organisation de la production des vaccins.


Quelles solutions s'offrent à l'UE pour rebondir ? 

Nous constatons une certaine naïveté de la part de la Commission, qui s'explique aussi par le manque d'expérience dans l'élaboration de ce type de contrat.

Plusieurs solutions sont à envisagées. Déjà, un recours en justice, considérant qu'il y a "la lettre et l'esprit", pourrait être engagé sur la base de l'interprétation "du meilleur effort possible". Néanmoins, une telle réponse ne paraît pas adaptée en raison de l'urgence de la situation et de l'enjeu de légitimité politique et citoyenne de l'UE.

D'autres pistes sont à évaluer et notamment une mesure "agressive" qui consisterait à agir sur les exportations. Aujourd'hui, l'UE participe largement à la diffusion du vaccin hors de ces frontières, vers des pays fragiles économiquement mais aussi vers l'Angleterre comme on l'a vu. À cet égard, les pays de l'UE pourraient imposer une interdiction d'exportation des doses produites en Europe.

Par ailleurs, on envisage d'intensifier les négociations pour assouplir les règles de propriété intellectuelle de la licence d'office (brevet) pour ouvrir la production du principe actif à d'autres laboratoires. Aujourd'hui, Sanofi travaille comme simple sous-traitant avec la mise en flacon pour les vaccins déjà sur le marché. Si une ouverture exceptionnelle de ce brevet était permise, cela augmenterait massivement les capacités de production mondiales du principe actif, qui plus est pour un processus de fabrication sensible (ARN Messager) qui demande beaucoup de moyens.


Comment envisager le futur ? 

D'un point de vue sanitaire, d'abord, la situation est extrêmement urgente. Les variants se multiplient et les contaminations ne paraissent pas diminuer.

Néanmoins, les effets secondaires constatés, pour une petite minorité des cas, a conduit certain pays à limiter le vaccin AstraZeneca. Peut-être que la suite des opérations européennes ne se situe alors pas dans leur conflit avec le laboratoire anglo-suédois. L'UE semble à ce propos se diriger vers le vaccin Pfizer.

Par ailleurs, les élections allemande et française qui se profilent font de cette année 2021 une année charnière pour l'avenir de l'UE, laquelle pourrait être associée majoritairement à la vaccination.


Dans un futur plus ou moins proche, alors que certains scientifiques prévoient une résurgence massive de virus dangereux, la question de la vaccination est primordiale. D'abord son acceptabilité sociale, question très présente en Europe, ne doit pas être occultée au regard des libertés individuelles.

D'autre part, à la manière d'une défense européenne ou d'une fiscalité européenne, il semblerait intéressant de réfléchir, avec les forces en présence, d'imaginer une autorité sanitaire indépendante européenne, plus développée que l'Agence européenne du médicament, qui puisse isoler l'UE des enjeux géopolitiques au moment de mettre en place des actions pratiques qui requièrent de l'efficacité.



Par Hugo Wiber






Sources




 
 
 

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