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L'île de la Réunion face aux cyclones : la technologie au service de la résilience


Située dans l'Océan Indien, où les eaux atteignent une température de plus de 26°C, l'île de la Réunion, département français d'Outre Mer, se retrouve dans une zone géographique qui connaît la formation de plus d'une douzaine de systèmes dépressionnaires évoluant entre tempêtes ou cyclones tropicaux chaque année. De décembre à avril, la Réunion n'est donc pas à l'abri face au risque cyclonique. Un risque cyclonique qui ne va pas en s'affaiblissant, bien au contraire. En raison du réchauffement climatique, les années à venir laissent en effet présager un renforcement de l'intensité de ces phénomènes dû à l'augmentation de la température de l'eau, entraînant par la même un renforcement des dégâts qu'ils peuvent provoquer...


Image Tempête tropicale Fakir à proximité de la Réunion, Source: média de l'Île

Une île fragile face au risque cyclonique

Or, ces ravages peuvent être dévastateurs pour une île dont la vulnérabilité face aux cyclones est importante. En effet, les cyclones ont la particularité de mêler plusieurs aléas au sein d'un même phénomène météorologique extrême, à la fois la forte houle, du vent fort et enfin des pluies diluviennes. L'alliance de tous ces aléas handicape réellement certaines parties du territoire et ont des conséquences dévastatrices pour les populations. A cela s'ajoute le fait que la Réunion reste un département français pauvre faisant face à une forte précarité monétaire avec 40% de sa population vivant sous le seuil de pauvreté métropolitain selon l'INSEE. Après chaque cyclone ou tempête tropicale, les coûts économiques s'estimant à plusieurs millions d'euros deviennent très vite exorbitants et accablants pour l'île de l'Océan Indien. Face à ces risques, les méthodes de prévention et de gestion des risques (centre de surveillance météorologique, plan ORSEC Cyclone) se sont développées au fil du temps, réduisant ainsi petit à petit la vulnérabilité de l'île. Mais malgré ces efforts, il reste très difficile aujourd'hui de prévoir la trajectoire exacte d'un cyclone. Toutefois, nous savons aujourd'hui que la surveillance et la prévision météorologique sont des enjeux majeurs pour la prise de décision dans la gestion de crise. Améliorer cette dernière est donc un atout clé pour permettre aux territoires d'être plus résilients.


La technologie au service de la résilience ou comment améliorer la prévision météorologique

Un projet nouveau pour l'océan Indien


C'est pourquoi une initiative innovante a été lancée en février et mars 2019 pour améliorer cette surveillance des cyclones. Il s'agit de l'usage de drones, rasant l'océan pour mieux prévoir l'intensité, la trajectoire et les conséquences du passage d'un cyclone sur les territoires de l'océan Indien, à travers l'observation des échanges océan/atmosphère. Cette initiative permettrait ainsi aux chercheurs de recueillir des données pour améliorer la paramétrisation utilisée dans les modèles de prévision. C'est une initiative qui rappelle ici la volonté des États Unis d'utiliser des drones au cœur même des ouragans afin de recueillir des informations précises pour mieux en prévoir la force, la trajectoire et les dégâts éventuels et ainsi éviter les mésestimations.




Image: Drone Boréal. Source: site Boréal SAS

Un projet convoquant de multiples acteurs


La mise en place de ce projet bien que porté avant tout par Météo France et l'île de la Réunion confronte un ensemble d'acteurs qui mettent tous en commun leurs compétences pour le mener à bien.

>Les organes de recherches et de prévision : le Centre National de Recherches Météorologique de la Réunion, Météo France, le CNRS

>L'université de la Réunion avec le Laboratoire de l'atmosphère et des cyclones et leurs deux projets de recherches sur les cyclones et la résilience : le programme ReNovRisk et le programme MIRIAD

>L'ensemble des îles de l'Océan Indien, notamment à travers l'organisation Interreg Océan Indien ainsi que certains territoires d'Afrique comme le Mozambique pour améliorer la résilience des territoires de l'océan Indien face aux risques cycloniques

>L'Union Européenne qui soutient financièrement la recherche


La fusion de cet ensemble d'acteurs permet ainsi d'avoir un réel suivi de cette innovation lancée au cœur de l'océan Indien pour apporter plus de résilience. Un ensemble d'acteurs qui sont ici essentiels et nécessaires pour mener à bien toute initiative de ce genre et qui serait à rechercher pour la transposition d'une telle innovation ailleurs. 


Une résilience à petit pas :


Mais la mise en place de cette technologie pour être efficace demande plusieurs étapes distinctes dans le temps qu'il convient de prendre en compte :

- 1ère étape : l'échantillonnage de données par l'envoi du drone à travers l'océan Indien ainsi que l'équipement des îles du bassin océanographique de stations automatiques pour collecter les données et mesurer en permanence l'environnement

2ème étape : la confrontation des données dans le milieu universitaire et les centres de recherche météorologique pour étudier ces dernières et établir une nouvelle modélisation des cyclones

3ème étape : la diffusion des résultats auprès des instances chargées de la définition et de la mise en œuvre des politiques de prévention, de formation et d’adaptation au risque cyclonique

4ème étape : l'usage des nouvelles données utilisées et de cette nouvelle modélisation en cas de gestion crise


Limites et perspectives


Cependant, certaines limites existent face à cette technologie, notamment des limites liées ici aux coûts que cela représente d'envoyer des drones dans l'océan. Il devient donc difficile de multiplier ce type d'outils sans l'aide de financements extérieurs, notamment ceux de l'Europe pour des territoires comme Madagascar, ou le Mozambique qui ne dépendent pas directement de l'Union Européenne. De plus, cette innovation semble encore n'être qu'une ébauche, et ne pourrait être utilisée d'ores et déjà pour gérer une situation d'urgence. Il s'agit plutôt là d'un outil qui se situe en amont de la gestion des risques. Mais à l'image des hurricane hunters des États Unis, avec le temps, elle pourrait être à même d'évoluer et être envoyée au cœur des cyclones pour collecter des informations en direct et améliorer la réponse immédiate des sociétés face au risque.


C'est donc ici une initiative qui semble très prometteuse pour les territoires de l'océan Indien, encore sous alimentés en outils de surveillance et de prévision météorologique.


Anaïs NAZE






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