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La crise de l’eau en Iran, une énième fatalité au Moyen-Orient ?

Un proverbe persan dit : « La force de l’eau vient de la source. » Qu’en est-il quand cette source est asséchée ?

Selon la National Drought Warning and Monitoring Center of Iran, l’Organisation météorologique iranienne, ce serait près de 97% de la surface du territoire iranien qui serait « plus ou moins durement » touché par la sècheresse, quand 7 millions d’hectares seraient menacés de désertification rapide.


Cette crise de l’eau en Iran invite à une prise de conscience de l’appareil d’État face à l’urgence climatique. Quelles solutions envisager ?




La sècheresse en Iran : une réalité sur le terrain


Le territoire iranien, au même titre que bon nombre de pays du Proche et du Moyen-Orient, est durement touché par la sècheresse, concept usuellement associé aux notions d’aridité et de pénurie, qui se manifeste par la diminution des nappes phréatiques et des zones humides, la déforestation, ou encore la désertification. Les scénarios du Groupes d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat (GIEC) prévoient d’ailleurs une pénurie d’eau potable dans les provinces centrales d’ici 20 ans, alors que l’Iran aurait épuisé près de 70 % des capacités aquifères de ses ressources souterraines.


Les facteurs climatiques de réchauffement de la température de la planète sont à prendre en compte mais n’expliquent néanmoins pas tout. Pierre Gilbert de l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS) rappelle que des facteurs sociaux sont aussi à prendre en considération comme une démographie dynamique, un usage domestique de l’eau conséquent, qui représente environ 8% de la consommation en eau du pays et près de 250 litres par jour contre 150 pour la moyenne mondiale, et un système de conduction à l’état médiocre avec des pertes allant jusqu’à 40%, notamment en direction des champs agricoles industrialisés : le développement et la modernité sont donc aussi responsables de la vulnérabilité hydrographique de l’Iran.


Source : Programme Climat, Energie & Sécurité - Crise de l’eau en Iran, ennemi de l’intérieur par Pierre Gilbert, assistant de recherche à l’IRIS - Juin 2018




La crise de l’eau en Iran : quelles solutions envisagées par l’appareil d’Etat ?


Telle réalité amène à une large prise de conscience de l’appareil d’Etat face à l’urgence climatique, la sècheresse et les pénuries dont l’Iran ne cesse de faire l’expérience.


Il semble que la responsabilité de régler cette crise hydrique incombe au gouvernement et aux politiques de grands travaux qui, pourtant, continuent d’encourager la construction de barrages. Or, selon Laurent Cibien et Komeil Sohani dans le documentaire L’Iran à court d’eau, 40% de ces barrages seraient inutilisables. Par manque de moyens mais aussi d’une vision stratégique de long-terme quant à l’avenir, notamment environnemental, les solutions prises par l’Etat se révèlent assez peu fructueuses.


C’est pourquoi, en février 2018, s’est tenue à Téhéran une conférence sur « La diplomatie de l’eau et ses opportunités en Asie de l’Ouest », regroupant bon nombre de représentants de la plupart des pays du Moyen-Orient, notamment de l’Arabie saoudite. Quelques solutions en ont émané comme des déclarations de principes, alors que le gouvernement avait déjà décidé d’augmenter le tarif de l’eau, quelques années auparavant. D’autres ont aussi eu pour objectif des échanges de stocks d’eau contre des hydrocarbures, tandis que des pays comme l’Allemagne et la Chine « se disent […] prê[ts] à apporter une aide technologique afin de rénover ces réseaux de distribution iraniens » selon les termes de Pierre Gilbert, quand bien même la persistance d’incertitudes en matière géopolitique notamment ralentisse voire obstrue de tels investissements.


Source : « Iran : la sécheresse, nouvelle plaie du pays », La Croix


D’autres solutions sont aussi évoquées par Emile Bouvier dans Les clefs du Moyen-Orient, comme l’usage de la technique d’ensemencement des nuages pour qu’il puisse pleuvoir « sur commande », un engagement à diminuer les prélèvements dans les aquifères, la recherche d’alternatives aux barrages, l’interruption de construction de barrages pour les remplacer par des pipelines souterrains, des investissements dans des usines de désalinisation pour pouvoir consommer l’eau salée du golfe Persique etc.


Dans tous les cas, ces solutions invitent largement les pouvoirs publics à prendre leurs responsabilités en tant que partie prenante essentielle à la résolution de la crise de cet or bleu, en témoigne le Ministre iranien de l’Agriculture en 2013, Issa Kalabtari, déclarant que :


« La crise de l’eau est le principal problème qui menace l’Iran […], bien plus qu’Israël, les Etats-Unis ou les affrontements politiques au sein des élites iraniennes ».

Source : Programme Climat, Energie & Sécurité – Crise de l’eau en Iran, ennemi de l’intérieur par Pierre Gilbert, assistant de recherche à l’IRIS – Juin 2018




En conclusion ?


On le voit, les solutions sont multiples. Il pourrait dès lors s’agir de les structurer en quelques étapes :

  • La production de déclarations d’intention ou de principe

  • Le règlement des dissensions géopolitiques liées à la crise de l’eau via des accords bilatéraux voire multilatéraux

  • L’adaptation des politiques publiques et l’opérationnalisation des résolutions


Or, c’est la deuxième étape qui continue de faire défaut au dénouement de la crise hydrique. Peut-être la multiplication des émeutes, à l’image de celle de novembre 2019, pourront émettre d’autant plus de pressions sur le gouvernement et augmenter la résilience du territoire iranien.


Car, on le sait, d’autres solutions plus critiques du modèle en place sont possibles à l’image de la destruction des barrages, l’autogestion des ressources localement, la réincorporation de techniques dites ancestrales (ex : les quanats), l’interdiction des activités non essentielles dans les zones arides, ou encore la fin des politiques d’urbanisation massive.


Lucile LANDAIS




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