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La fin de l’ère des villes-mondes ?

On les connaît puissantes économiquement, politiquement, culturellement… mais la pandémie du Covid 19 révèle que ces mégalopoles sont tout autant vulnérables. La crise sanitaire est l’occasion de remettre en question notre système de « villes-mondes ».



New York où 263 460 cas confirmés de covid 19 ont été recensés.


La crise comme opportunité

Tout d’abord, la crise peut être une opportunité. Elle nous obligé à remettre en question nos modes de vie et à repenser notre futur. Historiquement, les grandes pandémies ont contraint les sociétés à de grands bouleversements, notamment dans la manière de « fabriquer » la ville.

Au XIX siècle, la pandémie de Choléra est responsable des premières politiques en matière de logement et d’urbanisme. En effet, en 1835, le docteur Villermé est chargé par l’Académie des sciences morales et politiques d’enquêter sur « l’état physique et moral des classes populaires ». De son travail est inspiré la première loi sur le logement en 1850. On assiste également aux premières opérations d’aménagement urbain dont certaines consistent à implanter des poumons verts pour lutter contre la trop grande densité des villes.

Le choléra à Paris, avril 1832 ( France-pittoresque.com )


Les mégalopoles hyperdenses responsables de la pandémie ?

La principale caractéristique des « villes-mondes » est leur forte densité. Or celle-ci peut s’avérer être extrêmement problématique en situation de pandémie. La crise du covid 19 qui frappe le monde depuis Janvier 2020 n’échappe pas à la règle. En effet, la pandémie trouve sa source dans une ville de 11 millions d’habitant, Wuhan. De la même façon, aux États unis, l’état de New York, très dense est devenu le principal foyer de propagation du pays. En Europe, la région île de France tout comme la capitale londonienne affrontent toujours une situation sanitaire très difficile. Aujourd’hui enfin, l’OMS redoute des bilans catastrophiques dans les grandes villes indiennes ou encore les capitales africaines. Pour cause, une forte densité favorise les contaminations et participe donc à une diffusion rapide et massive de la maladie. De plus, ces espaces sont aussi hyper connectés au reste du monde abritant des aéroports internationaux, des ports incontournables etc. Autant d’échanges de personnes, de capitaux… qui ont fait la grandeur de ces métropoles planétaires mais qui aujourd’hui se révèlent comme des faiblesses.

Wuhan et ses 11 millions d’habitants, berceau de l’épidémie de Covid 19 (letelegramme.fr)


L’élu parisien écologiste David Belliard en fait le constat : « Les métropoles hyperdenses sont des bombes virales ». Ces dernières années la tendance d’urbanisation généralisée et de métropolisation planétaire ont fait le terreau de l’actuel crise sanitaire. Ces phénomènes devraient s’amplifier puisque si 58 % de la population mondiale est aujourd’hui officiellement urbaine, 70 % devrait l’être en 2050 selon l’ONU.

Cependant, la crise actuelle peut nous pousser, non pas à démolir les grandes villes, ni les grands ensembles immobiliers, mais à repenser leurs constructions en adaptant les formes, les aires de circulation, la taille des espaces communs… De manière ambitieuse, elle peut remettre en cause la métropolisation par la valorisation des campagnes et ainsi freiner l’exode rurale encore particulièrement actif dans certains pays. Elle peut aussi justifier l’implantation de davantage d’espace vert au cœur de nos villes afin de les aérer.


Des villes inégalitaires, facteur de vulnérabilité

Les grandes métropoles sont profondément inégalitaires. Notre système urbain contemporain marginalise les plus pauvres. A cause de la gentrification, on assiste à une véritable ségrégation résidentielle des populations démunies. Celles-ci sont alors rejetés dans les « cités », ces espaces très denses où le « confinement » y est très difficile. Les conséquences sont dramatiques comme le démontre la mortalité très élevée au covid 19 en Seine Saint Denis.

La gentrification rend également difficile la continuité des activités essentiels en temps de crise. En effet de nombreux travailleurs essentiels dont les revenus sont insuffisants pour loger proche du centre des villes sont contraints d’habiter en périphérie. Or le système de transport urbain et notamment les transports en commun se révèle très vulnérable. Sébastien Maire, le « Monsieur résilience » de la ville de Paris confie « En termes de résilience, rapprocher les logements des emplois, et pas seulement le temps des crises, doit devenir une priorité ».


Démondialiser et déconcentrer les villes ?

Pour bâtir des villes plus résilientes, il serait nécessaire de démondialiser et de déconcentrer les villes. Mais comment établir un scénario prospectif concernant un chantier aussi vaste. Le système de « villes mondes » est le fruit de l’idéologie dominante capitalistique et mondialiste qu’il faudrait d’abord attaquer.


Dans une interview à "Reporterre", Guillaume Faburel, professeur à l’Université Lumière Lyon 2 et enseignant à Sciences Po Lyon, estime qu'il est nécessaire de repenser « d’abord totalement l’aménagement du territoire autour des petites villes et des campagnes, au lieu de la surconcentration dans les espaces métropolitains. » Selon lui, à superficie comparable et à taille de population nationale identique, un réseau dense de petites et villes moyennes consomme 30 à 40 % d’énergie en moins. Il y aurait donc aussi quelques avantages sociaux et écologiques à déconcentrer. Lutte contre les pandémies et lutte contre le changement climatique peuvent donc être intimement liées.

Enfin, Guillaume Faburel appelle à rompre avec l’idéologie de la démesure propre aux villes-mondes, afin de nourrir une « pensée de la modération et de la limitation ». Il faut selon lui. « Sortir de l’autoroute métropolitaine et ainsi se détourner radicalement du mur écologique vers lequel elle nous conduit. »



Benoît SOYEZ




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