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La résilience à l'épreuve du risque sanitaire: un autre monde est possible

  • Etudiant
  • 12 avr. 2020
  • 5 min de lecture

Dernière mise à jour : 1 mai 2020


Alors que la France est entrée officiellement en confinement le 17 mars dernier, c’est au tour du Royaume-Uni d’emboîter le pas, officialisant le nombre de confinés à près de 3,9 milliards d’individus. Et ce sont autant de milliards d’euros perdus par les entreprises. Malgré de nombreuses mesures prises afin de soutenir l’économie (chômage partiel, aides aux entreprises), les premières faillites ont eu lieu ce mois de mars 2020, avec notamment la fermeture du géant Vapiano, chaîne de restaurants présente dans 33 pays du monde et embauchant des dizaines de milliers de personne. "Nous allons assister à une première vague de défaillances importantes. Dans les mois à venir, les entreprises vont être aussi globalement impactées par les impayés auxquelles elles seront confrontées, du fait de la baisse d'activité et des difficultés de leurs clients dans de très nombreux secteurs", prédit le président d'Infolégale, Frédéric Julien, en rappelant que les impayés sont à l'origine d'un quart des faillites en France.

Ces pertes économiques interrogent le devenir de notre société, mais n’est pas la seule cause de nos inquiétudes. En effet, à l’aube d’un nouveau monde « post-covid », la santé de milliards d’êtres humains est elle aussi menacée. Et des stratégies variées tentent de prévenir la propagation du virus, le confinement étant l’une d’entre elles. Face à la détresse économique mondiale, faut-il persévérer dans ce paradigme économique qui pourtant semble nous mener à notre perte? Plus encore, l’heure n’est-elle pas à la reconfiguration de notre société, et au retour à l’essentiel ? C’est ce qu’il s’agira d’interroger au prisme de la stratégie de résilience développée récemment par les géants du numérique Apple et google.

Coronavirus et innovation: le pistage du virus en bluetooth

Face à la crise, les GAFAM ont été au même titre que les entreprises du reste du monde fragilisées économiquement, et elles rencontrent de nombreuses difficultés aujourd’hui. Ces dernières semaines elles ont su pour certaines tirer profit de la crise et prêter main forte aux Etats . En effet, les deux géants technologiques Apple et Google ont annoncé un partenariat visant à alerter leurs utilisateurs s'ils sont entrés en contact avec une personne infectée par le nouveau coronavirus. Ils ont indiqué qu'ils allaient travailler ensemble au développement de cette technologie de suivi des personnes contaminées, tout en assurant que ce système respectera leur vie privée.


Une méthode de pistage controversée

Cette technologie basée sur le « contact tracing ». Grâce au Bluetooth, le smartphone repère les autres utilisateurs de l'application aux alentours et enregistre leurs identifiants. Lorsqu'une personne est testée positive au virus, cet historique est exploité pour prévenir les personnes croisées les jours précédents. Ce système permettrait de ralentir la propagation du virus en permettant aux individus potentiellement infectés, après avoir croisé une personne testée positive, de se faire dépister à leur tour ou de se confiner plus strictement. Les systèmes d'exploitation des deux groupes rivaux étant les plus utilisés sur les smartphones à travers la planète, cela permettrait potentiellement de suivre 3 milliards de personnes, soit un tiers de la population mondiale. Cette application, témoignage des la résilience des entreprises et de leur capacité d’innovation n’est pas sans soulever un certain nombre de questions, lié notamment à la diffusion de données sanitaires de près de 3 milliards d’individus. Elle ravive en effet la polémique sur la protection des données privées et l’on ne peut s’empêcher d’y voir la référence à Big Brother, qui déjà à son époque nous prévenait des dérives d’une surveillance centralisée. Alors, les GAFAM doivent-elles vraiment être actrices de la stratégie de sortie de crise, dans un contexte de prise de conscience mondiale des effets du libéralisme inconditionnel? Si nous sommes réellement à l’aube d’un nouveau monde « post-covid », doit-on faire de la place pour ces entreprises pourtant indirectement responsables de la pandémie?

• Apprendre de nos erreurs

Le savoir-faire de ces firmes est incontestable, malgré tout la crise que nous traversons semble être un signal désespéré pour nous alerter sur l’urgence à agir face au réchauffement climatique. Un article donnant la parole au virus écrivait ainsi: "Je suis venu mettre à l'arrêt la machine dont vous ne trouvez pas le frein d'urgence".

            Soit nous oeuvrons dés aujourd’hui pour apprendre de la crise et nous procédons à une refonte globale de nos économies mondialisées, en re-localisant le plus possible et en mettant l’accent sur la consommation responsable, mais aussi en abandonnant l’idée de croissance économique, pour valoriser la recherche de soutenabilité. Soit nous mettons toute notre énergie dans l’élimination du virus sans prendre le temps nécessaire (et disponible) d’imaginer une stratégie de résilience à plus long-terme. Sans laquelle nous n’aurons pas éliminé la maladie, mais simplement son symptôme, dans l’attente d’une nouvelle crise peut-être.


Coronavirus et éthique sociétale

Ce pistage massif a été également envisagé par de nombreux gouvernements parmi lesquels le gouvernement français. Dernièrement, l’utilisation des données numériques personnelles pour tracer les malades du Covid-19 - via une application sur notre téléphone - est fortement envisagée. Dans une tribune récente du Figaro, Paula Forteza et plusieurs députés issus principalement des rangs de la majorité se sont opposées au projet, affirmant ainsi: «Nous avons besoin d’un dépistage massif, pas d’un pistage massif». Paula Fortaleza plaide notamment pour un débat démocratique concernant un tel usage des données personnelles: la crise sanitaire s’avère ainsi être l’occasion d’assainir les bases démocratiques du pays. « Poser les bases techniques et juridiques d’un traçage numérique et individuel de la population constitue un changement de paradigme majeur par rapport à nos usages numériques. Cette décision ne doit pas être prise en temps de crise, sous l’urgence, sans consultation publique, ni débat parlementaire. Nous avons besoin d’un débat de société sur l’utilisation des nouvelles technologies qui sont intrusives et qui interrogent nos libertés fondamentales (traçage numérique, reconnaissance faciale, etc.). » (Le Figaro) .


«Nous avons besoin d’un dépistage massif, pas d’un pistage massif»

Des paroles qui résonnent étroitement avec la thèse d’Ivan Illich développée dans La convivialité, ouvrage dans lequel il invitait à reconsidérer les outils technologiques dont nous sommes dépendants et à renouer avec des outils « conviviaux », c’est à dire aptes à reconnecter les individus entre eux.


Ces deux enjeux fondamentaux que sont l’enjeu économique et démocratique nous invitent à repenser le monde sur des bases plus saines, dans un temps plus long. Si nous choisissons la réflexion et le débat au détriment de la rapidité qui rythme normalement nos vies interconnectées, alors nous pourrons donner un nom à la stratégie de sortie de crise: la résilience. Car si la crise doit nous apprendre quelque chose, c’est que toutes les solutions ne se valent pas, et que la rapidité d’exécution n’est pas un gage de qualité.

Thématiques liées:

 - Gouvernance mondiale du risque (les GAFAM potentiels nouveaux acteurs) - Crise, perte de capital et capital immatériel renouvelé (capital démocratique et économique renouvelé sur de nouvelles bases plus saines.)


Pauline PIED



2 Comments


Christiana Minaev
Christiana Minaev
Apr 13, 2020

Tu termines ton article en mettant en garde sur la rapidité d'exécution. Mais dans une crise sanitaire sans précédent, ne sommes nous pas obligés d'agir dans l'urgence ? Devons-nous reprocher à nos gouvernements de ne pas avoir davantage anticiper ? Je serais d'avis que beaucoup ont réagi trop tard et ont concentré leurs efforts à sauver l'économie plutôt qu'à fournir les ressources nécessaires aux services de santé. Comme tu le dis bien, l'important sera d'apprendre de nos erreurs et que cette crise nous serve à anticiper les prochaines, avec plus de résilience et en étant clairs sur nos priorités : l'économie et l'innovation ou la santé.

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Eléonore Cadeau
Eléonore Cadeau
Apr 13, 2020

Merci Pauline pour cet article qui met en perspective les mesures technologiques! En effet, je pense qu'à la sortie de la crise l'Etat sera plus fort et plus "providentiel". Cependant, les dérives d'un pistage technologique et plus invisible pour la population est risqué. Au lieu de freiner les logiques marchandes et technologiques, l'Etat risque d'investir massivement dans des fausses solutions: non- écologiques et liberticides, au lieu de se concentrer sur les luttes primordiales.

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