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Le réchauffement des eaux douces : nos rivières brûlent et nous regardons ailleurs



Loin de réchauffer uniquement les eaux salées, le changement climatique impacte aussi les eaux douces modifiant ainsi l’entièreté du cycle de l’eau et des écosystèmes. Dans le bassin de la Loire, le phénomène est particulièrement visible que ce soit au sein du chevelu (affluents) ou du fleuve lui-même.


Le réchauffement des eaux douces : un risque aux conséquences multiples


Le réchauffement des eaux douces représente un risque encore peu médiatisé et souvent sous-estimé. Il découle de quatre principaux facteurs que sont : la température de l’air, l’hydrologie, la géomorphologie (le tracé du cours d’eau, sa profondeur…) et la nature des sédiments présents (argile…). D’ici à 2050, les cours d’eau français devraient gagner entre 1,1 et 2,2°C, ce qui va provoquer de nombreux déséquilibres écosystémiques et désagréments pour l’espèce humaine. Ainsi, différents facteurs de vulnérabilité sont à prendre en considération. En premier lieu, le réchauffement des eaux douces engendre la disparition d’espèces autochtones comme les truites qui ne peuvent vivre dans une eau supérieure à 20°C. La hausse de la température de l’eau modifie aussi les périodes de reproduction des individus et diminue les quantités d’oxygène disponibles. Ce phénomène d’anoxie se produit surtout la nuit lorsque les algues ne photosynthétisent pas. Également, l’oxygène devient plus rare dans les milieux aquatiques à cause du phénomène d’eutrophisation accéléré par les températures élevées : les nutriments étant davantage présents, les plantes aquatiques se développent plus rapidement sous l’effet de la chaleur. Cette multiplication de la végétation aquatique comme les lentilles (lemna sp) ou les algues vertes, va à son tour accentuer la désoxygénation du milieu notamment lors de leur dégradation. L’anoxie (le manque d’oxygène) constitue donc le principal risque lié au réchauffement des eaux douces et conduit à la disparition de nombreux individus morts asphyxiés. En plus de nuire notablement à la préservation des espèces aquatiques, l’élévation de la température aquatique peut, dans certains cas, favoriser l’épanouissement et la progression d’espèces exotiques envahissantes (exemple de Ludwigia Peploides- la jussie rampante). Le risque de réchauffement des eaux douces est donc important en raison de ces multiples vulnérabilités environnementales et biologiques.


Cependant, la hausse de la température des eaux des rivières peut également représenter un risque pour les activités humaines et notamment pour les centrales nucléaires qui ont besoin d’une eau relativement fraîche pour se refroidir. Cela accroît également le stress hydrique parce que le débit des cours d’eau est amené à diminuer d’entre 20% et 50% d’ici à 2050. Cela survient dans un contexte où la pression sur les ressources en eau potable est d'ores et déjà présente notamment dans le massif Armoricain. Cela va aussi engendrer de nouveaux conflits d’usages puisque la demande en eau sera égale voire plus importante que maintenant notamment pour l’agriculture alors que l’offre sera réduite du fait des débits faibles. Pour finir, les usages récréatifs dépendants des cours d’eau (pêche, navigation...) seront aussi pénalisés par cette baisse des débits, mettant en péril les secteurs économiques affiliés.

Le bassin de la Loire, à l’image du territoire français, est donc habité par toutes ces vulnérabilités (environnementales, économiques, énergétiques, sociales…), ce qui le rend extrêmement impacté par ce risque.



Des solutions fondées sur la nature: et si on faisait enfin confiance au vivant ?


Deux solutions majeures sont actuellement développées afin de remédier au réchauffement des rivières: la replantation des ripisylves et la désartificialisation des cours d’eau conformément à la Directive européenne Cadre sur l’Eau (DCE 2000) relative à la reconquête des eaux de surface. Ainsi, notamment sous l’impulsion des pouvoirs publics, des syndicats de bassin, de l’Agence de l’eau Loire-Bretagne et des associations de protection de l’environnement, ces deux actions commencent à être déployées simultanément. Il convient d’abord de procéder à un diagnostic afin de relever la température de l’eau à plusieurs endroits. Ainsi, on constate qu’à Montjean sur Loire (49), la Loire a atteint 30°C en juin 2019, il faut donc intervenir prioritairement en amont de cette portion et de ses affluents. Ensuite, il semble pertinent d’identifier les principaux facteurs de réchauffement in situ comme les eaux stagnantes ou le manque de végétation. Enfin, la replantation des ripisylves notamment exposées Sud et la destruction des chaussées, épis de Loire et autres éléments artificiels peuvent débuter.



Les épis ont été construits au début du XXème siècle pour rendre la Loire plus profonde et donc navigable.


Concrètement, il s’agit d’enlever les constructions entravant la libre circulation de l’eau, des sédiments et des espèces afin que les cours d’eau retrouvent un courant et débit naturels. Ainsi, l’accélération du courant va permettre à l’eau de moins stagner et donc de moins se réchauffer et elle favorise son oxygénation.

De plus, la plantation de ripisylves consiste à reconstituer les écosystèmes bordant les cours d’eau (ripi = rive, berge et sylva = la forêt). Ces haies longeant les rivières refroidissent de fait l’eau grâce à l’ombre qu’elles procurent. En définitive, la reconstitution de ces haies couplées à la fluidification du courant atténuent le réchauffement de ces eaux douces.




Cependant, alors que la restauration des ripisylves est épargnée par les controverses, la destruction des chaussées et épis demeure quant à elle source de polémique. En effet, la désartificialisation des milieux aquatiques représente un bouleversement rapide pour les espèces dont certaines s’étaient adaptées à ce milieu dont elles avaient tiré des avantages. C’est par exemple le cas de certains mollusques se développant dans les sédiments accumulés en amont des chaussées. De même, les fédérations de pêcheurs et exploitants de moulins à eau s’opposent à cette mesure qui entrave la pratique de leurs activités. En somme, les solutions à la baisse de la température de la Loire résident principalement dans l’aménagement de ses affluents.


Ainsi, même si le réchauffement des eaux douces est un risque déjà actuel et hautement dangereux pour les écosystèmes et l’espèce humaine, sa résolution se met lentement en place notamment du fait des conflits d’usage qu’il provoque.


Rose Gabory



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