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Mayotte : la mangrove rempart face à l’océan et solution face au dérèglement climatique ?

Dernière mise à jour : 11 mars 2021


L’île de Mayotte, territoire ultramarin français de l’océan Indien, possède un patrimoine naturel exceptionnel. Les forêts de mangroves font partie intégrante de cette richesse naturelle. De nombreuses études soulignent l’importance économique, sociale et environnementale des écosystèmes de mangroves souvent mesurées en termes de services écosystémiques. Agnès Thongo, responsable de l’Office national des forêts à Mayotte, le rappelle : “Les mangroves sont essentielles à la bonne santé de l’être humain!”(26 juillet 2019 lors de la journée internationale des mangroves). Pourtant, cette richesse inestimable est de plus en plus menacée par les activités humaines.



La mangrove : une forêt en danger à Mayotte


Les mangroves représentent 750 ha de la superficie de Mayotte et se situent à différents points du littoral, là où l’urbanisation est grandissante (voir carte ci-dessous). Ces forêts jouent un rôle important à la fois pour le développement de la biodiversité sur l’île mais aussi pour protéger les habitants face à l’accroissement des phénomènes marins. Or, la mangrove fait partie de la liste rouge des espèces menacées à l’échelle mondiale et Mayotte illustre cette menace qui pèse sur cette ressource.


( vert foncé : zones de mangrove / rouge : urbanisation)

Source : OpenEditionJournals - Avril 2017


En effet, les activités humaines de l’île menacent de plus en plus les mangroves : déchets, urbanisation, braconnage, érosion naturelle etc… En somme, la mangrove est devenue une décharge à ciel ouvert alors que dans le même temps l’urbanisation et l’extension des parcelles agricoles ont fait reculer cette forêt primaire jusqu’à 25% de sa superficie initiale dans certaines zones les plus touchées. En 10 ans, Bacar Ousseni, garde du littoral à Mayotte, a vu le nombre de villages croître sur la mangrove où le traitement des déchets est inexistant. Selon lui, l’accumulation de déchets de tout type au sein de cet environnement asphyxie la mangrove et réduit dans le même temps son rôle de protection du littoral contre l’enlisement et l’érosion. Il rappelle que l’urbanisation a un rôle à jouer dans la destruction de cet écosystème avec la construction de routes coupant en deux la forêt. Or, détruire la mangrove c’est supprimer la barrière protectrice des villages côtiers en cas de cyclone qui se retrouveraient alors sous l’eau. Le village de Bandrélé est un cas évocateur de ce phénomène puisqu’une vague de 5 mètres suffirait à faire disparaître le village.


La mangrove de Mtsapéré n’est plus qu’une immense décharge

Source : Le Journal de Mayotte - 9 octobre 2014



Préserver la mangrove c’est préserver un outil face aux dérèglement climatique sur l’île : quelles solutions ?


La Mangrove : outil face aux réchauffement climatique


Des chercheurs d'Ecolab ont été sur le territoire mahorais pour analyser la capacité d'absorption par les mangroves des pollutions contenues dans les eaux usées. Ils ont constaté que non seulement la mangrove exfiltre les polluants tels que le phosphore ou l’azote mais qu’en plus elle intègre ces derniers à sa biomasse lui permettant une croissance plus rapide. De plus, la directrice exécutive du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUD), Inger Andersen rappelait en septembre 2019 que plus du tiers des réductions des émissions de gaz à effet de serre (GES) peuvent être faits grâce aux mangroves et à leur capacité de captation du carbone. Selon une étude de GéoSciences parue en 2011, sa capacité d'absorption du carbone est 3 à 5 fois supérieure à celle des forêts. Enfin, chaque année elles absorbent l’équivalent de 14% de la séquestration océanique alors qu’elle ne représente que 1% de la superficie terrestre. A contrario, la dégradation de la mangrove la transforme en source de carbone. Ainsi, selon les recherches de S.E Hamilton et D.A Friess, entre 2000 et 2012, la déforestation de mangrove a émis environ 317 millions de tonnes de CO2 (équivaut aux émissions d’un pays tel que la Pologne sur une année).


Le rôle prépondérant de la mangrove contre le réchauffement climatique donne une raison de plus à des territoires comme Mayotte, vulnérable aux aléas marins, de protéger cette ressource.


Le conservatoire national botanique situé sur l’île de La Réunion soulève 3 étapes clefs pour protéger la mangrove de Mayotte.

  • la restauration de la mangrove, souvent détériorée par la proximité des populations.

  • une prise de conscience de la notion d’acte citoyen vis-à-vis de la préservation de l’environnement et des changements des comportements par l’adoption de gestes plus respectueux de l’environnement, notamment au niveau de la gestion individuelle des eaux usées et des déchets.

  • la nécessité de n’exclure aucun groupe social de cette implication, en particulier les populations en difficulté (personnes illettrées, jeunes délinquants, personnes en situation irrégulière).

Sur le terrain, comment sont appliquées ces 3 étapes par les acteurs locaux ?

La première et la deuxième étapes sont celles qui sont mises en application sur ce territoire d’outre-mer grâce à des actions conjointes entre institutions, citoyens et associations de protection de l’environnement. En effet, un effort de replantation de la mangrove ne peut pas aller sans la participation des citoyens. Ainsi, la Direction de l’Environnement de l’Aménagement et du Logement (DEAL) de Mayotte a travaillé conjointement avec la Conservatoire Botanique du Mascarin (CBM) pour lancer un programme de replantation de mangrove dans le village de Tsoundzou en concertation avec ses habitants en 2012. Ce projet de protection de la mangrove s’est déroulé en plusieurs étapes :

  1. Sensibilisation et implication des habitants :

  • Constitution d’un groupe volontaire de travail pour l’application de la concertation

  • Distribution de questionnaire sur la mangrove

  1. Ateliers de concertation

  • 4 ateliers de concertation dans lesquels les habitants ont pu donner des idées d’actions à entreprendre pour sauvegarder la mangrove puis les hiérarchiser en fonction de leur importance (replantation, nettoyage etc…)

  1. Mise en application des actions choisies

  • Création de livrets pédagogiques sur la mangrove à destinations des écoliers

  • Actions de nettoyage de la mangrove (environs 30 personnes mobilisées)

  • Chantier de plantation (environ 60 personnes mobilisées)

  • Nettoyage et plantation par les écoliers (700 enfants mobilisées)

On retrouve depuis lors des actions semblables sur les différentes zones de l’île, c’était le cas en 2018 à Majicavo grâce à une quarantaine de citoyens mobilisés (voir photo ci-dessous). Or, selon un de ces citoyens :

“Nous savons que cela ne réglera pas le problème définitivement, car de nombreuses autres actions seraient à mener pour endiguer ce fléau : la sensibilisation de la population et le changement de comportement des citoyens, la mise en place de nombreux bacs à ordures et leur collecte régulière, l’aménagement des voiries dans les hauts de Majicavo pour que les camions du SIDEVAM* puisse accéder aux quartiers les plus isolés. Mais la moindre petite action permet déjà à nos mangroves et à notre lagon de respirer un peu mieux!”.

* service de ramassage


Source : Le Journal de Mayotte - 13 février 2018


Quelles conclusions ?

On constate que la concertation entre citoyens et institutions publics est nécessaire à la protection de la mangrove à Mayotte. Les actions des uns ne peuvent fonctionner sans la participation des autres. Finalement, la concertation se révèle être un facteur d’innovation sociale pour réduire la vulnérabilité du territoire face aux conséquences de la crise climatique.

Enfin, la mangrove, on l’aura bien compris, joue un rôle multiple dans la lutte contre cette crise : réduction des GES, barrière de protection contre les aléas marins, réduction de l’érosion et enfin source de biodiversité.




Anne JAMARD



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