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Mieux prévoir le risque volcanique en Grande Comore.

Il y a une trentaine d’années, le vulcanologue Haroun Tazieff faisait la déclaration suivante : « Il faut être fou pour habiter la Grande Comore ! ».

En effet, l’omniprésence des laves dans le paysage témoigne de l’exposition de la totalité du territoire grand comorien au risque volcanique. Cet aléa naturel n’est pas nouveau, mais fonde l’identité même de la Grande Comore, île volcanique la plus récente et la plus peuplée de l’archipel des Comores. Si le volcan La Grille au nord de l’île est aujourd’hui endormi, le mont Karthala plus au sud est toujours relativement actif. Et si ce dernier, point culminant de l’archipel à 2361 mètres, a connu sa dernière éruption en janvier 2007, il n’en reste pas moins considéré comme l’un des volcans hawaïens les plus dangereux due à l’impossibilité de prévoir précisément les éruptions à venir et les zones qui vont être les plus touchées.

Un territoire insulaire vulnérable au risque volcanique.

Effectivement, plus encore pour le risque volcanique que pour n’importe quel autre aléa naturel, on constate que la vulnérabilité d’un territoire joue un grand rôle dans l’équation du risque, car elle minore ou, au contraire, amplifie la catastrophe. La chercheuse Julie Morin souligne que le mont Karthala n’est pas considéré en soi comme générateur d’un risque volcanique important, du fait de la quasi-absence de phénomènes explosifs, mais que le risque réside avant tout dans la fragilité du territoire insulaire et des différents facteurs de vulnérabilités auxquels la population comorienne fait face :


1. Les coulées et tunnels de lave.

Les coulées de lave du Karthala parcourent depuis leur point d’émission une distance moyenne de 5 km, or il faudrait 14km à une coulée issue du sommet pour atteindre la capitale Moroni. Mais la moitié des coulées de lave du Karthala ne sont pas issues du sommet, et ont un point d’émission situé en dessous de 1170 m. Dès lors, en partant de cette altitude les coulées atteignent aisément la mer, traversant au passage des zones urbanisées. D’autant plus que la circulation des coulées se fait beaucoup sous forme de tunnels. Ainsi des villages pourtant très éloignés peuvent être menacés par la lave maintenue à haute température dans ces systèmes de tunnels.


2. Conséquences sur les récoltes agricoles.

Le caractère volcanique de l’île entraine également des risques de sécheresse car les roches volcaniques ne retiennent pas l’eau, ayant des conséquences notables sur l’agriculture comorienne. Par ailleurs, ces roches associées au fort dénivelé des pentes volcaniques encouragent l’érosion des sols. En effet, si les phénomènes volcaniques sont moins meurtriers que d’autres risques naturels (tels que les inondations, ou les séismes), ils entrainent souvent de graves famines ou épidémies post-éruptives.


3. Perte de mémoire du risque.

La dernière éruption du Karthala remontant à 2007, les populations comoriennes pourraient perdre cette mémoire du risque volcanique, et ne pas être préparées à une éruption qui pourrait pourtant subvenir à tout moment au regard de l’imprévisibilité du volcan comorien.


4. Étalement urbain.

Enfin, le rapide processus d’urbanisation actuel rend de nombreux territoires particulièrement vulnérables aux effets des volcans actifs. La Grande Comore est l’île la plus peuplée de l’archipel, et comptait plus de 400 000 habitants au dernier recensement de 2016.


De plus, les phénomènes sont souvent si destructeurs et répétés qu’ils impliquent des coûts importants pour la population, qui se doit notamment de construire des ouvrages de protection, et affaiblissent durablement toute l’économie du pays. Ainsi, les éruptions ont donc un lourd impact humain et économique à long terme : destructions, érosion, terres incultes et traumatismes sociaux.

Pour une meilleure gestion de la crise volcanique.

Le géographe Jean-Claude Thouret a réfléchi à différents moyens pour mieux prévoir le risque volcanique. Il s’agit pour lui de toujours considérer le risque volcanique dans son entière complexité, c’est à dire à court-terme comme à long-terme.


Les actions viseraient à :

  • Protéger les populations (Court-terme)

  • Réduire les dégâts + Planifier la prévention des dommages (Moyen-terme)

  • Aménager le territoire en évitant les effets d’éruption (Long-terme)

Et impliqueraient 4 types d’acteurs :

  • Les scientifiques.

  • Les autorités grand-comoriennes.

  • Les médias.

  • La population.

3 stades de gestion de la crise peuvent être identifiés :

1. Phase pré-éruptive : Mieux définir le risque volcanique.

Cette phase de préparation comporte avant tout un diagnostic de l’aléa et du risque à long-terme, avec la mise en place de supports SIG tels qu’une carte des risques qui permettrait de décrire les scénarios éruptifs probables, et la potentialité d’être affectée pour chaque zone du territoire concerné. Ces scénarios devront par ailleurs être définis et hiérarchisés selon leur probabilité d’occurrence.

La Grande Comore fait face entre autres à une véritable carence en ressources humaines, des problèmes de communication entre chercheurs, et un manque d’expertise qui pourraient être atténuées par :

  • La mise en place de formations.

  • L’embauche et l’instauration d’un système de réservistes par exemple.

  • L’achat de matériel pour une meilleure analyse scientifique du risque, et une meilleure définition des scénarios de crise.

Par ailleurs il s’agirait de prévenir les populations :

  • Au travers de campagnes de sensibilisation menées par les médias.

  • L’enseignement d’une meilleure connaissance du territoire à l’école.

  • Une réforme du système assurantiel.


2. Phase critique : Agir dans l’urgence, et prévoir l’imprévisible.

Après avoir évaluer les phénomènes éruptifs dommageables à partir de critères naturels, démographiques, et socio-économiques, il s’agit de prévoir des mesures d’urgence à appliquer durant la phase critique de la crise.

Ce rôle revient avant tout aux autorités de l’île qui pourraient avoir la charge de :

  • Mener des exercices de simulation d’évacuation.

  • Mieux former les administrateurs à la gestion/communication de crise.

  • Impliquer des référents locaux (réseaux associatifs, religieux, etc.) dans la prise de décision.

  • Mettre en œuvre une planification préventive de protection civile et d’organisation des secours et des évacuations.


3. Phase post-éruptive : Sortir de la crise éruptive.

Il est nécessaire d’apprendre de chaque éruption, afin d’en tirer des enseignements pour les prochaines crises à venir.

Il semble nécessaire pour ce faire de créer du lien entre les acteurs :

  • En développant de nouveaux travaux scientifiques sur la gestion de la crise qui vient de subvenir.

  • En intégrant plus de chercheurs en sciences humaines dans l’étude des crises volcaniques.

  • En mettant en contact les scientifiques avec les populations et les opérationnels, afin de rendre les résultats des recherches directement applicables.

  • En systématisant des procédures de retours d’expérience (RETEX).

Mais il s’agit également d’envisager un retour à la normale :

  • En prévenant la possible exploitation politique de la catastrophe.

  • En évitant les profits malhonnêtes de certains organismes de secours.

  • En anticipant la dépendance des réfugiés.

  • En équilibrant les plans de récupération afin d’éviter les injustices et les inégalités dans la reconstruction et le relogement.

Candice GABILLAUD



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