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Le recours à l'armée dans la gestion de crise du Covid-19

Dernière mise à jour : 17 avr. 2020

    


Le recours aux forces armées pour lutter contre le Covid-19


Le contexte


La pandémie de Covid-19 a touché la France dès janvier 2020. Soixante jours plus tard, la situation s'est considérablement détériorée avec une augmentation exponentielle du nombre de contaminés, avec des services de réanimation qui commençaient à être saturés dans l'Est de la France. La crise s'est rapidement propagée ensuite ailleurs.


C'est dans ce contexte que les forces armées vont être mises à contribution avec le déploiement d'un élément militaire de réanimation à Mulhouse mais également des évacuations pour désengorger certains services de réanimation avec le dispositif d'évacuation médicale aéroportée "Morphée". Finalement, c'est le 25 mars que la création de l'opération Résilience est officialisée par le président de la République Emmanuel Macron, lors d'une visite à l'hôpital de campagne. A l'heure où l'article est écrit ( modifié le 07 avril 2020 ), le bilan est d'environ 10 000 morts.


L'opération n'a point été appelée "résilience" par hasard : la résilience est la capacité d'absorber un choc et de revenir l'état initial; or la crise du coronavirus a illustré en quelques semaines les vulnérabilités du service public français dans la réponse à la crise, au point de recourir aux forces armées afin de mieux lutter contre la propagation du virus malgré la mise en place de plans comme le plan blanc destiné à adapter le fonctionnement des hôpitaux.


Il faut souligner que déjà bien avant le début de la crise du coronavirus, le service de santé français était déjà considéré en crise avec un manque de personnels et d'investissements. On peut noter également le manque de soutien d'une partie de la population dans les revendications des personnels des hôpitaux, qui risque d'évoluer positivement.


Les enjeux soulevés et révélés, les croyances démenties ou confirmées


Une des croyances confirmées par la crise sanitaire concerne la crise structurelle des hôpitaux publics, très vite débordés par l'afflux des malades. Néanmoins il ne s'agit pas d'une exception puisque les hôpitaux en Espagne ou Royaume-Uni se sont aussi confrontés à une problématique similaire. Le système de santé français est donc très bon si on le compare les autres systèmes de santé dans le monde, accessible à tous et relativement résilient. Toutefois, d'autres systèmes comme aux USA ne sont pas accessibles à tous.


La situation exceptionnelle que nous vivons a pu révéler les fragilités du service public de santé français. Mais en réalité, par les diverses mesures qui ont été prises, il ne s'est pas écroulé sous la pression et a su absorber la vague.


Parmi les mesures du gouvernement français, on retrouve donc le recours aux forces armées pour appuyer les personnels des hôpitaux sur tous les fronts déjà depuis plusieurs semaines : dans l'imaginaire collectif l'appel à l'armée se fait en situation d'urgence, censée capable de résoudre les problèmes les plus graves.


En comparaison, le gouvernement chinois a présenté l'Armée Populaire de Libération comme l'une des pierres angulaires de la lutte contre le coronavirus. C'est en effet l'APL qui a pris en charge la direction des nouveaux hôpitaux construits ex nihilo en pleine "guerre populaire" ( contre le virus ). Par ailleurs aujourd'hui les soldats espagnols se chargent du transferts des malades entre structures pour éviter les crises locales. En Suisse et en Allemagne, ce sont les miliciens et réservistes qui ont été appelés respectivement. En Italie, si les soldats ont été appelés pour construire des hôpitaux, ils sont aussi chargés de transférer les dépouilles. La flotte américaine dispose de navires spécialisés.


Un autre enjeu a pu être révélé, celui du manque de culture du risque de la population française, dont une partie n'a pas respecté les règles de confinements, pourtant essentielles pour la sécurité du collectif. Ainsi, ce sont plus de 400 000 procès verbaux qui ont été dressés par les forces de l'ordre depuis l'entrée en vigueur du confinement. En comparaison avec d'autres pays comme la Suède qui compte sur la responsabilité de sa population; la situation française se caractérise par des comportements irresponsables; mobilisant un grand nombre de forces de l'ordre pour des contrôles.


Le recours à l'armée française pour gérer une crise inédite


L'opération vise à déployer des militaires et marins en métropole et en outre mer. Les soldats déployés réalisent aujourd'hui des missions d'ordre sanitaire, logistique, de protection; comme sécuriser des lieux d'importance vitale à l'image des stocks de médicaments ou assurer des convoyages de masques, c'est la raison pour laquelle les médias montrent régulièrement des gendarmes lourdement armés dans les aéroports, réceptionnant les commandes de masques. Il s'agit d'un nouveau combat pour ces militaires peu habitués à combattre à ennemi invisible.




Si l'armée française ne dispose pas de navire-hôpital comme celle des Etats-Unis; elle a décidé de mettre à disposition deux navires de la Marine Nationale ( Dixmude & Mistral, que l'on voit en photo ci-dessous ) qui viendront porter secours aux régions ultramarines, souvent oubliées lors de cette crise sanitaire comme Mayotte où la situation commence à être préoccupante. Ces navires, équipés chacun d'un hôpital de 69 lits et de 2 blocs opératoires; mais également pourvus d'hélicoptères et de catamarans; ont la capacité d'assurer une meilleure réponse face à la propagation du virus au sein des territoires d'outre-mer français, marqués par l'insularité et la faible capacité d'accueil des malades.





Les ressources de l'Armée française sont donc mobilisées sur le territoire national sous l'autorité du préfet à l'échelle locale selon la règle dite « des quatre i » : lorsque les moyens des autorités civiles sont jugés « indisponibles, inadaptés, inexistants ou insuffisants ».


Les forces armées ont également transporté des personnels soignants pour renforcer les régions en difficulté. Ainsi, dans la nuit de mercredi à jeudi 2 avril, un KC130J de la 62e Escadre de transport d'Orléans a transporté 41 soignants de Brest à Paris. En outre le centre hospitalier du Mans a bénéficié de l'aide de 2 sous-officiers spécialistes de la logistique et de l'approvisionnement, experts de gestion de crise.





Le transferts de malades entre différentes zones géographiques, la prise en charge de patients par le service médical des armées ou l'organisation de la logistique concernant le matériel est désormais assurée par l'armée. Les ressources mises à disposition permettent au service public de santé français d'être davantage résilient à la crise. A cela s'ajoute d'autres initiatives civiles, comme la mise en place d'un train à grande vitesse sanitaire par exemple.


La France absorbe donc avec difficulté le choc de la propagation du virus. Le recours à l'armée constitue un moyen d'atténuer ce choc, en soutenant un service public sous pression et marqué par des lacunes structurelles; mais aussi en réduisant la vulnérabilités des populations avec un meilleur accès aux soins ( territoires insulaires ), l'aide aux secours, la sécurisation d'enjeux.


Scénarios prospectifs à l'horizon 2050 


Un premier scénario prospectif à l'horizon 2020


Il s'agit d'une crise inédite pour la société française moderne, qui a provoqué la nécessité de fortes adaptations de la part de toute la population. A l'heure où l'article est écrit, les tendances montrent en Italie & Espagne une stabilisation. Nous étudierons par conséquent le scénario le plus désirable en se basant sur les tendances lourdes actuelles :


  1. Crise résolue en partie pour l'été-automne 2020 en Europe avec un contrôle relatif de l'épidémie et une reprise progressive des activités sociales et économiques.

  2. Révélation = importance d'une armée moderne et organisée. Le système sanitaire du pays a cependant été très ébranlé mais se remet graduellement des surcharges régionales comme l'île de France.

  3. L'Opération Résilience s'achève avec succès, et cette intervention de l'armée dans les affaires sanitaires reste dans la mémoire commune des français dans le post-crise, par le biais des photographies & médias

  4. Les personnels médicaux et militaires jouissent dans ce scénario d'une grande popularité ( conséquence comme soutien aux personnels médicaux dans les rues )


Scénario désirable à l'horizon 2030


  1. La crise du COVID-19 a profondément bouleversé les services publics du monde entier. Le modèle français a été profondément remis en cause à la sortie de la crise, il est possible que dans les prochaines années les hôpitaux français bénéficient d'investissements importants afin d'améliorer le service médical

  2. La France renforcera ses liens de solidarité avec les pays frontaliers comme l'Allemagne, la Belgique, l'Italie ou l'Espagne afin de bénéficier de synergies lors de futures crises; et devenir plus résilientes ensemble.

  3. D'après l'INED, la population française en 2030 atteindra 70 millions de personnes et près de 30% de la population aura plus de 60 ans. Ces populations se sont révélées vulnérables lors de la crise en 2030 et il conviendra de mieux les protéger dans le futur.

  4. l'Opération Résilience a peu de chance d'être maintenu dans la pratique à terme, il peut être intéressant de développer sur le long terme un corps d'armée spécialisé dans la lutte contre les virus : risques d'autres natures comme le bioterrorisme. On peut envisager une coopération européenne face à d'autres urgences biologiques, que ce soit de caractère naturel ou délictuel.

  5. L'armée deviendra un acteur important des gestions de crise, aux côtés des citoyens, pouvoirs locaux, gouvernements, entreprises. On peut imaginer le développement d'exercices entre les forces armées, pompiers, personnels d'hôpitaux; afin de développer une certaine habilité à répondre aux risques à partir de synergies collectives sur la base de l'anticipation, la planification et la prévention.


L'horizon 2050 : l'achèvement d'un système sanitaire résilient, face à de nouveaux défis


  1. L'INED prévoit que la population française en 2050 sera de l'ordre de 74 millions et ce seront plus d'un tiers de la population qui aura plus de 60 ans. Ces populations âgées témoigneront d'un accroissement de l'espérance de vie mais seront aussi les plus vulnérables. Cependant, il est fort probable que le service sanitaire français soit devenu résilient aux crises biologiques d'ici là avec l'armée comme support important.

  2. Une grande part d'inconnue liée au réchauffement climatique, avec le déplacement de certaines maladies du sud vers le nord comme le paludisme mais aussi du nord vers le sud en raison du dérèglement climatique touchant l'espace arctique. La fonte du permafrost pourrait faire renaître des maladies éradiquées comme la variole.

  3. La résurgence de telles maladies pourraient s'avérer bien plus dangereuses que le Covid-19. Si la logique de mondialisation venait à s'accroître dans les années à venir, les chances de déstabilisation d'un service sanitaire peu habitué à ces virus sont grandes, alors que les Etats risquent en parallèle de faire face à des menaces biologiques de caractère délictuel et d'origine non étatique, constituant également un réel défi pour les armées dans le futur. 

Jonathan BLANCHET






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