top of page

Perspectives historiques autour du Covid-19 : quelles connaissances des zoonoses et quelles actions

  • Etudiant
  • 1 mai 2020
  • 4 min de lecture
  • Que sont les zoonoses ?

Les zoonoses sont des maladies et infections dont la transmission s’effectue entre animaux et humains par les interactions qu’ils entretiennent dans l’environnement. Les zoonoses sont des phénomènes connus de tous et de tous les temps depuis la sédentarisation de l’Homme et la domestication des animaux. Les exemples les plus parlants de zoonoses sont la peste, la rage, la malaria, le chikungunya, la grippe aviaire ; et le Covid-19 ne fait pas exception, son apparition étant attribuée au pangolin, animal méconnu mis sous le feu des projecteurs depuis la crise, et/ou aux chauves-souris de l’espèce des Rhinolophus affinis.




Dans un contexte de croissance démographique, économique et de mondialisation, nos rapports à l’environnement et aux animaux sauvages sont bouleversés. En effet, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) estime que 60% des maladies connues à ce jour et 65% des maladies émergentes sont d’origine zoonotique. Si le risque de zoonose est avéré tant d’un point historique que médical, aurions nous pu anticiper et ainsi limiter les impacts de la crise actuelle?


  • Retour sur la gouvernance du risque épidémique dans l’histoire récente

L’épidémie de SARS-Cov 2002-2004


Afin d’éviter un long historique des zoonoses, nous allons nous appuyer sur l’exemple du SRAS-Cov(-1), virus ayant provoqué une épidémie mondiale entre 2002 et 2004. Le Covid-19 étant la maladie causée par le virus SRAS-Cov-2, il est possible d’emblée d’établir une filiation avec le SRAS-Cov ; mais il ne s’agit pas de la seule ressemblance.


Le terme de SRAS signifie Syndrome Respiratoire Aigu Sévère. Les SRAS-Cov-1 et -2 possèdent donc des pathologies et modes de transmission similaires. L’épidémie de SRAS a débuté en Novembre 2002 dans le Sud de la Chine, le virus s’étant transmis d’une chauve-souris insectivore à l’Homme par l’intermédiaire d’un animal, la civette palmiste masquée, vendue sur les marchés et consommée, à l’instar du pangolin. Ce coronavirus s’est ensuite répandu dans une trentaine de pays, faisant déclencher une alerte mondial par l’OMS le 12 Mars 2003.




L’OMS rapporte que le nombre de cas s’élève à plus de 8000 et celui de décès à près de 800. En France, le SRAS-Cov a été détecté chez 7 personnes, provoquant la mort d’une d’entre elles. L’épidémie a été endiguée dès Juillet 2003 grâce à des mesures de confinement en Asie du Sud, région du monde la plus touchée, et la maladie est considérée comme véritablement contenue depuis Mai 2004 après la résurgence d’une dizaine de cas.


Quelle gestion de cette crise mondiale ?


Le réseau international des laboratoires a été chargé par l’OMS de rechercher l’agent causal du SRAS et de mettre au point un test diagnostique. Si en 2002, un premier coronavirus SARS-CoV-1 totalement inconnu des scientifiques a été découvert, le SARS-Cov-2 ne constitue pas entièrement une nouveauté. L’Institut Pasteur a même développé un candidat-vaccin contre SARS-CoV-1qui a fait l’objet d’une déclaration d’invention (DI) en 2004. Celui-ci n’a pas été expérimenté́ sur l’homme car alors que le vaccin était prêt, l’épidémie était terminée, et il n’y avait donc plus de patients sur lesquels le tester. Toutefois la connaissance acquise en 2003 contre SARS-CoV-1, et le candidat-vaccin breveté en 2004, sont actuellement appliqués par les scientifiques concernés pour un projet en cours de vaccin potentiel contre SARS-CoV-2.


Si l’OMS a joué un rôle d’animateur du réseau international de la recherche et a contribué au suivi de l’épidémie, et la diffusion d’information, il n’y a pas eu de véritable gouvernance du risque à l’échelle supranationale. Les actions ont surtout été étatiques comme on le voit avec le Plan de réponse contre une menace de SRAS du Ministère de la Santé datant d’Avril 2004. Il s’agit d’un plan de surveillance, d’information et d’action qui prévoit notamment des mesures d’accueil des cas de SARS-Cov mais aussi de confinement en cas d’aggravation de la situation. Concernant l’après-crise, il est tout particulièrement prévu d’améliorer les infrastructures hospitalières et de constituer des stocks de masques. On peut donc légitimement se demander comment expliquer la tardiveté de la réaction de l’État français et la désorganisation apparente alors même qu’un candidat-vaccin et un plan d’action existent pour une crise au goût de déjà-vu qui ne semble être qu’une répétition des événements dans des dimensions beaucoup plus importantes ?


  • Perception et culture du risque

Il ressort du traitement du SRAS une gestion anthropocentrée du risque, qui nie les interactions et la systématicité qui existe entre humain et non-humain. En effet, l’origine et les causes du virus n’ont pas été traitées car la maladie, une fois transmisse à l’Homme, se propagent d’humain en humain, se transforment en urgence sanitaire, ce qui tend à nous faire oublier son caractère zoonotique et son rapport à l’environnement. Si les mesures sanitaires sont indispensables, il est nécessaire de prendre en compte les exigences écologiques et les nouvelles contraintes liées aux changements environnementaux. De simples apports matériels et renforcement des infrastructures de santé ne suffisent pas.


Dans un article de la Fondation pour la Recherche sur la Biodiversité intitulé «Modification des écosystèmes et zoonoses dans l’Anthropocène», les liens entre environnement et risque zoonotique sont étayés. La pression anthropique que nous exerçons sur les écosystèmes, étant en constante augmentation, les maladies zoonotiques continueront à émerger à l’avenir (Jones et al., 2013). Les phénomènes épidémiques sont perçus comme ponctuels et un traitement conjoncturel en est fait sans constitution d’une mémoire du risque alors qu’il s’agit d’un risque structurel, inhérent à notre éco-sociosystème. Les maladies, dont les zoonoses, sont des processus écologiques naturels au sein des écosystèmes. Leur éradication peut ne pas avoir que des effets positifs car d’autres parasites ou pathogènes sont susceptibles d’occuper les niches laissées vacantes (Lloyd-Smith, 2013).


Il s’agit donc d’accepter le risque et de bâtir une résilience fondée sur une culture et une mémoire du risque mais aussi une gouvernance durable et mondiale capable de s’adapter aux spécificités locales. Si la crise est inédite dans son ampleur, elle ne l’est pas par sa fréquence d’occurrence et nous devons nous préparer à faire face à une résurgence du risque zoonotique. Ainsi nous apprendrons peut-être de la crise du Covid-19, contrairement à celle de 2002-2004, ce qui nous permettra de changer notre perception des zoonoses et de reconnaitre l’omniprésence, la transdisciplinarité et la nécessité des questions environnementales.


Yoann COULMONT


Sources :

Comments


© 2023 by Train of Thoughts. Proudly created with Wix.com

bottom of page