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Quelles conséquences écologiques à l'épidémie du Covid-19?

Dernière mise à jour : 17 avr. 2020

La crise sanitaire que nous traversons bouleverse profondément les structures qui façonnent nos sociétés, notamment l’économie, qui à travers ses activités génère d’importantes pollutions et dégradations de l’environnement. Cette affectation soudaine de l’économie a donc des répercussions substantielles sur l’écologie humaine.


Un des premiers effets visibles du confinement sur l’environnement prend forme dans la reconquête des espaces habituellement fortement anthropisés par des animaux qui y sont peu courant. Les images de ces animaux fleurissent sur les réseaux sociaux : des canards dans Paris, des dauphins à Venise ou encore des cerfs en pleine ville au Japon.

Au-delà de ces nouvelles pouvant paraître anecdotiques, la baisse des pollutions s’avère considérable.


Le PIB français a chuté de 35% au mois de mars, parmi les secteurs les plus fortement touchés par cette baisse, on trouve de forts émetteurs de polluants tels que le BTP (avec une chute de 90%), l’industrie ou les transports (le trafic aérien est aujourd’hui à l’arrêt)

En Chine, les émissions gaz à effet de serre (GES) ont baissé de 25% au mois de février et la teneur en NO2 dans l’air a drastiquement chuté.


Selon François Gemenne, spécialiste en géopolitique de l’environnement, la crise pourrait avoir eu un bilan humain positif en Chine, les 3400 morts du coronavirus sont finalement peu nombreux relativement aux 1,1 millions de morts annuels dû à la pollution.


Le G-Feed, un groupe de travail sur la société et l’environnement, conjecture pour sa part que « la réduction de la pollution en Chine a probablement sauvé vingt fois plus de vies que celles qui ont été perdues en raison du virus ».


L’analyse des conséquences environnementales de la crise sanitaire à laquelle nous faisons face nécessite néanmoins une légère prise de recul afin de tenter de penser ses conséquences à long terme. En effet, si de nombreuses activités polluantes ne seront pas reportées, (le trafic aérien ne va pas doubler dans les mois qui viennent pour compenser la perte occasionnée), rien n’indique que la baisse des pollutions soit pérenne.


La crise de 2008 a montré que si les émissions de GES ont chuté dans un premier temps, la reprise s’est avérée très émettrice, si bien que la tendance ne s’en ressent pas changée.



En effet, avec la profonde crise économique qui va vraisemblablement succéder à la crise sanitaire, il est possible que d’importants plans de relance soient déployés pour sauver l’économie. La situation économique n’étant pas favorable, il y a fort à parier que les logiques de court terme priment sur celles de long terme. Cela signifie que les investissements seront probablement davantage tournés vers les énergies fossiles, rentables à court terme que vers les énergies dites renouvelables dont les bénéfices occasionnés par l’absence d’émissions de GES ne se fait ressentir que tardivement dans l’économie.


La primauté accordée aux énergies fossiles est déjà visible aujourd’hui, le gouvernement canadien a annoncé qu’il lançait un programme de crédits aux entreprises qui toucheraient en priorité « des secteurs comme le transport aérien et le tourisme ainsi que le secteur pétrolier et gazier ».


Cette même logique est palpable aux Etats-Unis, où l’agence américaine de protection de l’environnement (EPA) a indiqué suspendre l’application des lois relatives à l’environnement en raison de la crise du Covid-19. Selon Richard Pearshouse, responsable crise et environnement à Amnesty international, « c’est en veillant à l’application des lois relatives à l’environnement que l’EPA empêche chaque année des centaines de milliers de personnes de mourir prématurément, et des millions d’autres d’être malades. »


A l’heure actuelle, nous avons très peu de visibilité sur les mois et les années à venir. Il serait présomptueux d’établir des prophéties déterministes sur l’évolution de la situation, le champ des possibles reste ouvert. Néanmoins, l’histoire récente nous montre que si l’on peut observer une réduction des pollutions aujourd’hui, rien ne nous assure qu’elle va se pérenniser.


Pour François Gemenne, « tout va dépendre de la durée de la crise », si elle est courte, on risque de voir advenir un phénomène de rattrapage, à l’inverse si elle s’étale dans le temps, « des changements d'habitude, de comportements, d'organisation du travail et de mode de vie vont forcément se mettre en place. Des modes de vie plus sobres qui pourraient contribuer à nous mettre sur une bonne trajectoire climatique s'ils venaient à survivre à cette crise. »


Il est difficile de démêler les effets que l’on peut imputer, ou non, directement au Covid 19, mais le bilan humain peut s’étendre bien au-delà de ceux qui seront infectés par le coronavirus si bien que la conjecture du G-Feed selon laquelle le confinement aurait évité vingt fois plus de morts que n’en aurait provoqués le virus semble difficilement tenable sur le long terme.


Louis MASQUELIER



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