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Rupture d’un glacier en Inde : comment lutter contre la fonte des glaces ?

Le 7 février 2021, l'inondation causée par la rupture du deuxième glacier le plus élevé en Inde : le Nanda Devi a ravagé la région de l'Uttarakhand. L'intervention rapide des équipes de sauvetage a permis de limiter l’impact sur la population et les territoires, mais plus de 50 personnes sont mortes et plusieurs centaines de personnes restent portées disparues.


Les vallées de l'Himalaya sont vulnérables et exposées à de nombreux risques et aléas climatiques, conséquences de la fonte des glaciers : risques d’inondations, de crues, de glissements de terrain,... Le territoire est d’autant plus fragile qu'il est habité d’activités humaines. En effet, la rupture du glacier a entraîné un torrent d'eau, de glace et de débris qui a détruit la construction hydraulique de Rishinanga, puis le grand barrage de Tapovan Vishnugad. Dans le village le plus touché, les ponts, les routes et les maisons ont été détruits avant même que les populations ne soient prévenues.



Plusieurs hypothèses pour expliquer cette catastrophe

Le débordement d’un lac glaciaire, lac qui se forme derrière des barrages naturels créés par des débris collectés à l’avant des glaciers et qui restent sur place après le retrait des fronts glaciaires, est une hypothèse expliquant cette catastrophe. La multiplication des lacs glaciaires est une des conséquences du réchauffement climatique. La formation de lacs glaciaires constitue une vulnérabilité car lorsque le barrage naturel qui retient ce lac se brise, il déverse l’eau et la glace qu’il contenait sous forme de crues catastrophiques.

Schéma de la formation d'un lac glaciaire


Pour Anjal Prakash, c’est donc une manifestation du changement climatique. En effet, le Groupement d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) signale depuis 2012 un risque d’augmentation des crues de lacs glaciaires, des instabilités de pentes et des mouvements de masses rocheuses.


Pour Dave Petley, chercheur à l'université de Sheffield la rupture du glacier en Inde est la conséquence d’un glissement de terrain. La chaleur générée par le frottement du glissement de terrain aurait fait fondre la glace et crée une coulée de débris. Pour lui cette catastrophe n’est donc pas d’origine anthropique mais liée à la fissuration préalable du glacier et de la montagne. Cette exclusion de la responsabilité humaine dans cette catastrophe naturelle est à nuancer car même si les roches de haute montagne se fracturent naturellement, elles sont normalement retenues par la glace. Or le réchauffement climatique fragilise la glace et la retenue des glaciers. Ainsi, des glissements de terrains entraînant des glaciers sont de plus en plus fréquents. Mais, pour lui, s’il n’y a pas de responsabilité humaine à cette catastrophe, les constructions humaines peuvent constituer des éléments de vulnérabilité du territoire.

Les facteurs de vulnérabilité

Une ressource en eau potable. Une part importante de la population dépend des glaciers pour l’approvisionnement en eaux douces mais le réchauffement climatique entraîne de plus en plus de pénuries d’eau.

Les infrastructures hydrauliques ont été une vulnérabilité supplémentaire car ces barrages ont aggravé les conséquences et la quantité d’eau déversée dans la vallée. En effet, Uma Bharti, l’ancienne ministre des ressources hydrauliques a critiqué et remis en question la construction d'un barrage dans cette zone très sensible. Des experts demandent la suspension des projets hydroélectriques dans la région de l’Uttarakhand. De plus, la construction de ces infrastructures hydrauliques, impliquant le dynamitage des roches, fragilise la montagne et favorise le développement de glissements de terrain.


Les vestiges du barrage le long de la rivière à Tapovan le 08/02/2021, Source : Nouvelles du Monde

Les autres constructions dans la zone sont aussi un facteur de vulnérabilité. Dans un éditorial, le Times of India prévient qu'une « forte poussée des infrastructures dans cette région écologiquement sensible est en cours sans recherche locale suffisamment rigoureuse. Cette tragédie rappelle à quel point la frontière du réchauffement climatique est proche de chez nous. Le danger ici est qu'au lieu d'atténuer ce changement, des projets mal conçus pourraient finir par multiplier les risques pour toute l'Inde qui vit en aval des fleuves himalayens.» Pour l'éditorial, en effet, les dégâts de l'inondation ont été « aggravés par des constructions incontrôlées sur le lit de la rivière ».


Les constructions sur la rivière Alaknanda, dans l'Uttarakand, en Inde, Source : Nouvelles du Monde

Le dragage du lit des cours d’eau pour en extraire le sable destiné à l’industrie du BTP. Cette action qui consiste à extraire le sable du fond du cours d’eau est un facteur de vulnérabilité qui déstabilise les fonds aquatiques.

La déforestation dans la région est aussi un facteur de vulnérabilité, car la coupe massive d’arbres déstabilise les sols et multiplie les risques de glissements de terrain.

Les réseaux de communication (routes, ponts et infrastructures) ont été emportés par l’inondation provoquée par la chute du glacier. La perte de ces réseaux de communication et leur faible redondance (diversification et dédoublement) rendent plus compliquées les interventions de sauvetage.

Interventions de sauvetage le 08/02/2021, Photo : Reuters / STRINGER sur radio Canada


Comment lutter contre la fonte des glaces ?


Pour augmenter la protection et la résilience du territoire face aux inondations et glissements de terrain répétitifs, une coalition d’acteurs doit se mobiliser et être partie prenante des solutions. Les entreprises des infrastructures hydroélectriques de la vallée, le gouvernement indien, les scientifiques et les habitants des zones à risques doivent travailler ensemble à la lutte contre la fonte des glaciers, les inondations et les glissements de terrain dans leur région.


La lutte contre la fonte des glaces et les catastrophes qu’elle entraîne passe par 3 étapes :

  • Sécuriser la fonte des glaciers par des solutions techniques. La fonte des glaciers crée des lacs glaciaires qui posent des problèmes de sécurité car ils peuvent se vider de manière incontrôlée. Une expérimentation technique dans les Andes vise à exploiter l’eau des lacs glaciaires de manière contrôlée ce qui permet d’assurer la ressource en eau potable et de réduire le volume d’eau susceptible de tomber lors du détachement d’une paroi de glacier par exemple. La sécurisation de la fonte des glaciers peut aussi être assurée par une autre solution technique : la construction d’un mur pour éviter la fonte des glaciers, actuellement testée par modélisation par les scientifiques. Ce projet de géo-ingénierie pourrait permettre de limiter la rupture des glaciers mais représente aussi un facteur de vulnérabilité supplémentaire en cas de rupture du mur, similaire à la rupture d’un lac glaciaire. Cette solution de sécurisation de la fonte des glaciers par la construction d’un mur porte donc de nouveaux risques.

Installation de siphons pour gérer le volume des lacs glaciaires, Source : Espazium


  • Contrôler les constructions en aval du lac glaciaire est la deuxième préconisation pour réduire les impacts d’une telle catastrophe naturelle sur le territoire. En effet, s’il est difficile d’influencer le risque d’occurrence de la catastrophe, on peut réduire les facteurs de vulnérabilité. Limiter la construction de barrages hydrauliques et d’habitats dans cette région sensible pourrait permettre d'atténuer les risques par la diminution des enjeux en présence sur le territoire.


  • Sensibiliser et préparer la population aux risques. Enfin la dernière étape pour pallier la rupture des glaciers et diminuer leurs conséquences désastreuses est de prévoir et prévenir les risques dans la vallée d’un côté en préparant et en formant la population (notamment les employés des barrages) aux risques d’inondation pour limiter les impacts et coûts humains de la catastrophe. D’un autre côté, la diminution du risque passe par une sensibilisation au changement climatique dans le monde entier pour limiter les émissions de gaz à effet de serre et le réchauffement climatique. Car, la seule façon pour ralentir la fonte des glaciers est de ralentir le réchauffement climatique pour que les glaciers puissent être restaurés par les chutes de neige assez rapidement. La fonte des glaciers est la conséquence du réchauffement climatique mais aussi sa cause. L’effet albédo des glaciers qui réfléchissent les rayons solaires et limitent la température est menacé par le réchauffement climatique qui fait fondre ces miroirs géants. Les glaciers ont un rôle central dans la régulation de la température de la Terre, on se doit donc de les protéger.



Alice Mamet




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