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Vagues de sécheresse au Maroc : quelles leçons de résilience ?

Dernière mise à jour : 20 avr. 2020

Les vagues de sécheresse sont un phénomène ancien au Maroc. Pour autant, cela ne veut pas dire que le pays n’est pas concerné par le phénomène de réchauffement climatique, au prétexte que la sécheresse serait structurelle dans ce territoire. L’ONG Greenpeace lance l’alerte : la fréquence des cycles de sécheresses augmente. Auparavant tous les 5 ans, ces vagues sont désormais présentes tous les 2 ans. C’est justement la fréquence d'occurrence qui constitue le risque majeur pour le Maroc car les territoires touchés ont moins de temps pour s’adapter et revenir à leur état initial, notamment les oasis qui sont des zones en voies d’extinction. Le réchauffement climatique conduit à une avancée du climat aride/semi-aride vers le nord et par là à une baisse des apports en eau de 20% entre 1940 et 2005 Le risque de pénurie d’eau est donc majeur et ce particulièrement dans le secteur agricole oasien. Or le pays affiche une forte dépendance au secteur agricole (14% du PIB).

Photo du 27 janvier 2020, ruisseau asséché dans l’oasis de Skoura. © Fadel Senna, AFP

Ces épisodes de sécheresses de plus en plus récurrents conduisent à un processus de désertification du territoire et de perte de biodiversité, ce qui entraîne à la baisse les rendements agricoles. Le pays est donc vulnérable au niveau de sa sécurité alimentaire mais également sur le plan économique car les agriculteurs sont fragilisés. De plus depuis début 2020, les autorités s’inquiètent des réserves hydriques car suite aux sécheresses le risque de pénurie d’eau s'accroît. Actuellement les réserves d’eau suffisent à donner à boire à à peine un tiers de la population.


Toutefois le gouvernement marocain a depuis longtemps une mémoire du risque, ce qui a conduit à plusieurs plans de résilience depuis 1960, période à laquelle se sont succédées plusieurs sécheresses. Quelles leçons pouvons-nous tirer de cette expérience de la résilience ?


Entre 2011 et 2013 l’Union européenne a financé un programme de recherche sur la résilience des espaces agricoles en prenant appui sur le Maroc comme territoire d’expérimentation. Ce programme SEARCH met en évidence plusieurs techniques, mesures de résilience, qui pourraient être transposables dans de nombreux pays qui connaissent des épisodes récurrents de sécheresse.


L’axe majeur du programme est de se tourner vers une utilisation efficiente, sobre de l’eau et de lutter contre le gaspillage de cette ressource. Loin de mettre en place des infrastructures lourdes et coûteuses le programme met en avant des mesures “simples” : planter des arbres pour restaurer les sols avec le Plan directeur de reboisement mis en place depuis 2008, utiliser le goutte à goutte, la réutilisation des eaux usées et le captage des eaux pluviales pour l’irrigation agricole. De plus, le savoir traditionnel utilise depuis longtemps des techniques pour lutter contre la pénurie d’eau dans le domaine agricole : cordons de pierre autour des arbres fruitiers, arboriculture, haies pour ralentir le ruissellement de l’eau par exemple.


A Benguérir, une ferme expérimentale, dirigée par Mohamed Elgharous, dans le cadre d’un programme de partenariat avec l’université Mohammed VI, fait des tests sur la réhabilitation des sols suite à une période de sécheresse. Elle souligne le rôle de l'agroforesterie dans la réhabilitation des sols car cette technique permet de retenir l'humidité et la vie organique des sols. Ce qui confirme les recommandations issues du programme SEARCH.


A quelles conditions ? L'expérimentation mise en place par le programme met également en avant les différentes parties prenantes des stratégies de résiliences : les acteurs locaux, les agriculteurs sont notamment mis en exergue comme des vecteurs de savoirs traditionnels et surtout des sources de connaissance du territoire.


Quelle transposabilité ? Ces mesures restent pour le moment localisées au Maroc mais elles paraissent facilement transposables en Andalousie dont le secteur agricole est menacé par les vagues de sécheresses, tout en étant un grand consommateur d’eau. Notamment du fait de leur simplicité technologique : elles ne nécessitent que peu de financements comparé à d’autres investissements menés pour lutter contre la pénurie d’eau (usines de dessalement par exemple). Cependant elles nécessitent un volontarisme politique ainsi qu'un fort investissement humain. La dynamique de coopération doit être de mise afin d’assurer l’efficacité des stratégies de résilience, entre populations locales et autorités gouvernementales, entre les différents financements. Ainsi, pour mettre en œuvre ces mesures de résilience, il apparaît nécessaire de commencer par une réunion des acteurs locaux sur le territoire concerné, en s’appuyant sur leur force de proposition afin d’adapter les mesures aux spécificités de chaque territoire.


Manuela LAURENT




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