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Le Vanuatu dévasté par le cyclone Harold

Dernière mise à jour : 17 avr. 2020


Entre le 5 et 6 avril 2020, le cyclone Harold a dévasté la République de Vanuatu.



Harold est à ce jour l'un des cyclones les plus puissants de l'histoire du Pacifique du Sud. Au cours de ces cinq dernières années, ce ne sont pas moins de trois cyclones, classés catégorie 5 sur l'échelle de Saffir-Simpson, qui auraient été observées dans la région. L'échelle de Saffir-Simpson constitue un outil de classification de l'intensité des cyclones tropicaux, graduée en cinq niveaux d'intensité.


Selon Météo France, les termes typhon, ouragan et cyclone tropical recouvrent la même réalité, autrement dit un phénomène tourbillonaire des régions tropicales, accompagnés de vents dont la vitesse est supérieure ou égale à 64 noeufs, soit 118 km/h. La désignation adoptée dépend simplement de l'endroit où se produit le phénomène. Ainsi, le concept de cyclone est davantage utilisé pour l'Océan Indien / Pacifique du Sud.


Les cyclones tropicaux se caractérisent donc par des pluies abondantes, de fortes rafales, des orages violents, des vagues exceptionnellement hautes suite à la hausse du niveau de la mer qui s'élève en raison du phénomène des marées. Le passage de l'oeil du cyclone est le moment le plus dangereux, caractérisé par un moment d'accalmie suivi d'une reprise brutale des vents et pluies.


Le Vanuatu, un archipel à risques


Vanuatu est un archipel de 83 îles situé en pleine mer de Corail. Le pays est considéré par le Wold Risk Index ( dépendant de l'Université des Nations Unies pour l'Environnement et la sécurité humaine ) comme le pays le plus exposé aux risques naturels du monde. Le British Analytics Company Verisk Maplecroft en 2015 a classé cet archipel et sa capitale Port-Vila comme étant les plus exposés aux aléas naturels dans le monde. La population y est habituée et préparée puisqu'un grand nombre de ces risques sont prévisibles avec les risques d'éruption ( le pays est situé au sud-est de la ceinture de feu ), les tsunamis, séismes et cyclones. Les risques de cyclones varient selon les années, ceux-ci surviennent généralement durant l'été austral ( 1er novembre au 30 avril de l'année suivante ). L'avant dernier cyclone, Pam, fut le plus violent jamais enregistré qui a rasé la capitale.


Harold a balayé le centre du pays, semant le chaos. Au moment de l'impact ce cyclone était classifié catégorie 5, s'accompagnant de terribles rafales de vent allant jusqu'à 300 km/h. L'île d'Espiritu Santo a été frappée de plein fouet par ce cyclone qui a perforé le pays, d'Est en Ouest. Ce détail est important puisque le précédent cyclone Pam avait traversé l'ensemble de l'île sur une trajectoire nord-sud.




L'imagerie IR dévoile clairement les contours de l'oeil au centre, preuve que nous sommes face à un violent cyclone. C'est au coeur du cyclone que les rafales sont les plus violentes.




Six îles ont été touchées, soit près de 140 000 personnes : les réseaux d'électricité, d'eau, de communications et habitations ont subi un gros choc. Glen Craig, du Vanuatu Business Resilience Council; estime que près de 90% des habitations de Luganville, la seconde ville du pays, auraient été endommagées, impactant 16 500 habitants.





Facteurs de vulnérabilité


1) Le dérèglement climatique constitue la principale menace aujourd'hui sur l'archipel du Vanuatu; certaines îles ont vu leurs habitants devenir réfugiés climatiques. On s'attend à une hausse du niveau de la mer; à une augmentation de l'intensité d'évènements déjà extrêmes aujourd'hui. Aujourd'hui déjà nombreuses sont les îles de l'archipel à faire face aux inondations, qui nuisent aux cultures et affectent la sécurité alimentaire des populations rurales.


2) La santé de ces populations est aussi menacée puisque la grande majorité des effets du dérèglement climatique sur les systèmes physiques écologiques et sociaux menaceront les rendements alimentaires, la qualité de l'eau, l'air, ... alors que les tsunamis, cyclones et zones marécageuses sont propices à l'augmentation de maladies infectieuses comme la dengue. Ces cultures primaires, détruites régulièrement par les cyclones; illustrent le retard technologique d'un sector agricole qui ne s'est pas adapté à la modernité.


3) De plus, il convient de rappeler que la crise du covid-19 ne facilite pas la gestion de la crise post-Harold. Si l'épidémie avait été jusqu'à présent contenue avec succès, l'offre de secours proposée par les pays voisins pourrait compromettre cette situation : des craintes ont été exprimées par le gouvernement en affirmant leur volonté de prendre des précautions lors du déchargement de fournitures humanitaires. Une propagation du covid-19 au Vanuatu serait dramatique; alors que l'archipel ne dispose d'aucun lit de soin intensif.


4) Le secteur du tourisme est une source importante de création de valeurs pour le Vanuatu, s'adressant à une clientèle aisée; et disposent de nombreux atouts : le climat, les paysages, la pêche et sortie en mer, les villages culturels et randonnées; le calme régnant à travers l'île ... mais d'après les ONG locales, le rétablissement de l'archipel prendra plus d'un an.


5) La vulnérabilité est exacerbée par les conditions socio-économiques de ce pays en développement. Selon le Programme des Nations Unies pour le Développement en 2010 et le Vanuata National Statistics Office(1), 27% des habitations de la capitale sont précaires et fabriquées avec des matériaux de récupération alors que l'habitat traditionnel caractérisé par la hutte faite de bois et de feuille s'est mutée sur le modèle de la maison occidentale se révélant très vulnérables face aux vents violents ( effondrement des murs ).


De plus le coût élevé des matériaux en dur complique la récupération pour la population, affectée par un fort ralentissement économique et la pauvreté.


6) Les littoraux des îles de l'Archipel ne sont pas soumises aux mêmes vulnérabilités. Certaines places sont caractérisées par un vaste platier rocheux et de une dense végétation qui ont pu protéger les plages contrairement à la capitale Port-Vila, dont la plage est moins résiliente rendant davantage la plage de la capitale vulnérable, à cause des activités humaines comme le tourisme, l'extraction du sable, l'entassement de déchets toxiques.


Gestion de crise : quelles parties prenantes ? Quelles solutions ?


1) Pour s'adresser à la population le gouvernement peut utiliser 3 niveaux d'alertes transmis par radio et internet. Les médias ont joué un rôle important dans un double contexte d'épidémie et de catastrophe.


2) Il faut rappeler que le pays est une petite nation en développement, avec très peu de moyens. Très vite, des pays comme l'Australie, la Nouvelle-Zélande ou la France ont proposé leur aide. Cela s'explique par les relations diplomatiques du pays entretenues avec les pays cités. L'Australie constitue aujourd'hui la plus grande source d'investissements directs étrangers au Vanuatu alors que les deux pays partagent des valeurs et aspirations communes, méfiantes face à l'expansion chinoise à travers le Pacifique. Ainsi, l'Australie va dépêcher dans les jours qui arrivent un avion des forces de défense australiennes afin de livrer des couvertures, lanternes, abris et kits d'hygiène.


L'aide des pays développés est donc essentielle pour le rétablissement du Vanuatu alors que les conséquences du cyclone Harold se sont révélées catastrophiques : si les dégâts matériels n'ont pas encore été évalués, on craint qu'ils soient bien plus importants que le cyclone Pam survenu en 2015; qui avait laissé derrière lui une facture de l'ordre de 600 millions de dollars, la moitié de la richesse nationale produite chaque année.


3) Les ONG ont aussi un rôle très important comme la Croix-Rouge française au Vanuatu; ou encore les institutions spécialisées dans la gestion des risques à l'image du Vanuatu Business Resilience Council.


Lors de la survenue de Pam en 2015, la communauté internationale s'était largement mobilisée. Mais le contexte actuel marqué par le covid-19 oblige paradoxalement le petit pays à s'isoler au maximum afin d'éviter d'introduire le nouveau coronavirus dans un archipel aux infrastructures médicales très sommaires.


La solution de long terme consisterait pour ce pays en développement de profiter de cet espace de reconstruction afin de mieux aménager son territoire alors que la croissance anarchique de la capitale a amplifié sa vulnérabilité face aux cyclones.


Sur le court terme, il s'agit d'atténuer les effets catastrophiques d'Harold en collaborant avec les autres Etats du pacifique ( îles Fidji, Australie... ) en mettant tous les moyens en oeuvre pour protéger la population; notamment en évitant une épidémie de covid-19.


Jonathan BLANCHET


(1) Lessons learned from tropical cyclone Pam to Vanuatu (Melanesia) : coastal hazards and frash food and damages





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